CALAFIORI LE SUCCESSEUR DE MALDINI

Par Sacha François

Le catenaccio, tactique rigoureuse, axée sur une défense hermétique, est un style emblématique du football italien, illustré et exécuté par des générations de défenseurs centraux légendaires comme Franco Baresi, Paolo Maldini et Alessandro Nesta. Ces maîtres du jeu défensif ont bâti un héritage de solidité et de discipline tactique, rendant le catenaccio célèbre à travers le monde entier. Aujourd’hui, cette tradition pourrait trouver une nouvelle figure de proue en Riccardo Calafiori, jeune talent prometteur, dont les compétences et la détermination augurent un avenir brillant pour perpétuer l’héritage défensif italien.

UN MAUVAIS DÉPART NE PRÉJUGE PAS DE LA FIN

« Mauvais » pourrait même être trop tendre pour décrire le début de carrière de l’italien. Très jeune Ricardo Calafiori est vu comme un des plus grands espoirs du football italien et notamment au sein de son club de cœur l’AS Rome. Âgé de seulement 16 ans, il signe déjà son premier contrat professionnel, mais après seulement quelques mois, le jeune loup se blesse gravement. Lors d’un match en Youth League, face au Viktoria Plzeň en octobre 2018, Ricardo est victime d’un véritable tacle assassin sur son genou gauche qui aurait pu définitivement mettre un terme à sa jeune carrière. Résultat, une rupture de tous les ligaments du genou et du ménisque et une absence de presque un an. Mais grâce à sa détermination, son courage et à un coup de pouce du destin, Calafiori parvient miraculeusement à revenir et dispute son premier match en professionnel face au CFR Cluj en Ligue Europa après 290 jours d’attente. Cette période sombre de sa vie verra cependant la naissance d’une relation fraternelle avec Daniele De Rossi, capitaine de l’époque et actuel entraîneur du club. Celui-ci a énormément soutenu moralement ce jeune de 16 ans et l’a pris sous son aile pour forger son mental. Un aspect qui deviendra sa force première. Après sa reprise, le chemin de Calafiori commence petit à petit à se faire dans la capitale italienne avec plusieurs apparitions en championnat mais un événement va de nouveau tout chambouler.

Lors de l’été 2021, l’arrivée du “Special One” José Mourinho, à la tête du club, enverra immédiatement Calafiori dans la liste des indésirables. Le jeune défenseur sera donc envoyé en prêt à Cagliari lors du mercato hivernal pour avoir plus de temps de jeu, mais cette étape sera un véritable échec avec seulement 80 minutes jouées en 5 mois. De retour à Rome, les dirigeants giallorossi lui annoncent qu’il ne sera pas conservé et qu’il doit partir. Calafiori attendra les ultimes heures du mercato pour finalement rejoindre la Suisse au FC Bâle. ” Ce choix était à 20% le mien et à 80% de la nécessité. C’était le dernier jour du marché et c’était la seule opportunité que j’avais. Mais une fois arrivé làbas, j’ai compris que c’était le club idéal pour un jeune joueur comme moi. » Cette fois-ci Calafiori enchaîne les titularisations, engrange énormément d’expérience et de responsabilités pour son jeune âge, progresse physiquement et mentalement et reprend confiance en lui. Et pile un an après son arrivée à Bâle, il retourne sur ses terres natales et débarque à Bologne, club sous les ordres d’un certain Thiago Motta, et deviendra une pièce majeure de la réussite collective lors de cette saison 2023/2024. Considéré comme un des meilleurs défenseurs du championnat italien c’est logiquement que Luciano Spalletti le convoque avec la Nazionale pour cet Euro 2024. Il deviendra le deuxième plus jeune défenseur titulaire lors d’un Euro à 22 ans et 27 jours, juste après un certain Paolo Maldini.

UN DÉFENSEUR EN AVANT TOUTE

Ce n’est pas pour rien que Maldini lui-même le désigne comme son successeur, passons la ressemblance physique troublante avec le défenseur italien des années 2000, Calafiori montre une vrai sérénité et un leadership inné sûr et en dehors des terrains. Son passage en Suisse l’a énormément fait progresser mentalement. Il atterrit très jeune dans une équipe qui prétend au titre de champion, et a montré une très grande force d’adaptation que l’on voit notamment lors de son transfert à Bologne mais aussi lors de ses débuts avec l’équipe nationale italienne. Son caractère et son professionnalisme sont très clairement ses plus gros points forts et ont été loués à de nombreuses reprises par ses entraîneurs : « Le travail ! Riccardo est vraiment quelqu’un qui aime travailler, c’est ce qui m’a le plus impressionné chez lui. Il n’était pas nettement supérieur aux autres, mais c’est son caractère et son amour du travail qui l’ont amené là où il est. » confie Alexander Frei, ancien entraîneur de Ricardo à Bâle. Des propos réitérés par Motta « Je suis impressionné par sa constante progression, il peut tout faire parce qu’il est courageux et croit en lui. ».

Maintenant parlons du terrain, ses qualités principales sont le jeu aérien, à la différence d’un Milan Škriniar, Calafiori sait utiliser son avantage de taille pour dominer les airs, à l’image de son match face à l’Albanie où il gagne 100% de ses duels aériens. Sa capacité à intercepter les ballons font aussi de lui un joueur que l’on remarque en défense, sa présence physique et sa lecture du jeu lui permettent d’être un des tout meilleurs dans ce domaine à son poste avec presque 2 ballons interceptés par match. Pour ce qui est de sa manière de défendre, il peut faire penser à Ruben Dias, un joueur qui n’a pas peur du duel, de se jeter au sol pour stopper un attaquant ou bloquer un tir, mais aussi dans sa manière d’harceler son vis-à-vis et de défendre en avançant, quitte à prendre des risques et dézoner totalement. Mais quant à son jeu balle au pied, lui-même se compare à un autre défenseur citizens : « Le style de jeu qui me ressemble le plus est celui de (John) Stones, mais je ne décide pas seul d’aller jouer au milieu de terrain ». En effet, Calafiori aime remonter le terrain avec le cuir et être le premier lanceur d’attaque à la manière de l’Anglais. Ses qualités techniques lui permettent à grandes enjambées de faire progresser son équipe par le jeu court ou long, par le dribble, et même de marquer. À l’image de son deuxième but face à la Juventus où Calafiori vient presser l’attaquant juventini jusqu’à la moitié de terrain adverse, continue son effort avec un appel dans la profondeur et conclut cette action avec un piqué sublime du pied droit et montre toute l’étendue de sa palette en une simple action. Il finit la saison avec 2 buts et 5 passes décisives, ce qui est une contribution considérable pour un joueur de son poste.

Un autre point de son jeu est sa forte mobilité, étant formé en tant que latéral gauche Calafiori aime bouger sur le terrain, contribuer au jeu offensif de son équipe et, même si cette saison Motta l’a totalement reconverti en tant que défenseur central gauche, il garde cette liberté qui lui permet de s’exprimer. Le problème majeur de son style est évidement les risques qu’il est prêt à prendre, à vouloir dribbler les attaquants dans sa moitié de terrain, Calafiori joue souvent avec les nerfs de son entraîneur mais cela lui réussit pour l’instant et fait de lui un joueur que l’on aime voir et qui attire les convoitises.

AU PIC DE SA CÔTE

Avec une saison en club remplie de positifs et une première sélection internationale, les intérêts pour le jeune défenseur se font de plus en plus nombreux. Si on sait que la Juventus s’est positionnée sur le dossier il y a de ça quelques semaines au moment de signer l’ancien entraîneur de Bologne Thiago Motta, de nouveaux clubs sont entrés dans la danse et pas des moindres, Liverpool semble déterminé à jouer les trouble-fêtes dans ce dossier et à voler le joyau italien. Cependant deux raisons force Bologne à être tatillon sur les exigences financières. La première est évidente, après une telle saison et une qualification en Ligue des Champions, le club italien souhaite rester compétitif et ne veut pas perdre une autre pièce importante de son effectif. Les départs officiels et quasi certains de Motta et Joshua Zirkzee obligent les dirigeants à être précautionneux, sachant que de tels départs précipités pourraient être fatals pour le club. Et la deuxième raison est contractuelle. Acheté pour seulement 4 M d’euros en début de saison à Bâle, les Suisses ont intelligemment ajouté une clause dans l’accord, celle-ci est un pourcentage à la revente du joueur qui s’élève à presque 40%. Pour être satisfait financièrement Bologne va donc devoir être gourmand sur le prix demandé sachant que 40% tomberont dans les caisses du FC Bâle. Une somme avoisinant les 40M – 50M d’euro devrait suffisamment faire réfléchir les dirigeants pour lâcher leur pépite et privilégier un départ à l’étranger pour ne pas renforcer la concurrence. Cependant la Vieille Dame reste en pôle position sur le dossier avec l’argument majeur de l’entraîneur, sachant qu’une place de titulaire est à prendre à Turin et un projet de reconstruction semble bien en marche. Laissons l’Euro se dérouler, Calafiori et sa bande ont un titre à défendre, le business ce sera pour après.

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