GUARDIOLA-MOURINHO RETOUR DE FLAMMES

Tous ces concours « pute à click » pour sonder qui est le meilleur ceci ou le meilleur cela selon vous… Comme si l’avis de tout un chacun pouvait avoir un intérêt quand il ne sait même pas qui est Maradona, Pelé ou Lobanovski.

Attention, je ne fais pas ici une distinction de classe entre un milieu « happy few qui saurait tout » (médias, milieu du foot…) et des internautes encore imberbes qui voudraient absolument leur disputer tout avis sur n’importe quoi pour leur montrer combien ils sont bien meilleurs que tous ces «institutionnels». Non, chacun peut effectivement donner son avis. Et j’avouerai que même les avis de tel ou tel joueur pro sur qui est le meilleur entre Ronaldo et Messi ne m’intéresse pas beaucoup plus que celui d’un quidam. Avec une nuance quand même. À chaque cérémonie des Trophées UNFP, c’est la guéguerre du « pourquoi David et pas Lacazette ? », « pourquoi Messi ? », etc. Là, pour le coup, il est tout de même très intéressant et informatif de savoir comment votent les acteurs du jeu, ceux qui sont sur le terrain. Et s’ils ne savent pas combien de buts a marqué l’un ou l’autre, cela n’enlève en rien leur ressenti terrain, aussi irrationnel soit-il… Mais, soyons bref, les sempiternels débats sur qui est le GOAT m’ennuient profondément. Le paroxysme ayant été probablement atteint en tennis où il est devenu d’usage d’avoir un avis sur qui est le GOAT entre Federer, Nadal et Djokovic, débat largement animé par de soudains supporters qui regardent trois matches de tennis (…à Roland-Garros) par an… Mais c’est évidemment le foot qui est le plus régulièrement pollué par ces débats. Passons sur la France du football qui a découvert avant tout le monde que Leo Messi était une supercherie ! Et ses 19 ans de très très haut niveau une illusion d’optique que le génie français a heureusement permis de détecter à temps. Cela permettra sans doute à certains d’arbitrer comme il se doit le débat GOAT Ronaldo-Messi, le premier ayant l’immense chance de ne pas être venu jouer en France. Ce pays à part qui sait tout sur tout, y compris le chemin pour gagner des Coupes d’Europe… qu’il ne parvient pourtant jamais à remporter. Et voilà que, justement, les Coupes d’Europe 2022/23 permettent de remettre une pièce dans la marmite aux débats en bois. Guardiola se qualifiant pour la finale de la Ligue des Champions, en même temps que Mourinho en Europa League. Un élève de maternelle saurait distinguer ce qui relève du top niveau (Ligue des Champions) du second rang (Europa League et Europa Conference League). Mais non, il fallait au grand public réveiller les consciences. Trouver moyen de comparer, ou plutôt d’opposer. Et, d’un coup, surgit un incroyable débat entre le Guardiola des riches (effectif de fou à City) et le Mourinho des pauvres, défenseurs de l’opprimé, la veuve et l’orphelin, et qui, à la Robin des Bois, réussirait des miracles avec un « petit club », la Roma alignant une deuxième finale de suite après la C4 de l’an dernier. Les faits n’ayant d’un coup plus aucune valeur, le débat GOAT GuardiolaMourinho reprenait de plus belle. Un débat oublié depuis quelques temps, le technicien portugais ayant disparu des hautes sphères. Non seulement, il avait lourdement échoué dans ce duel revivifié en Angleterre avec Manchester Utd puis Tottenham. Mais, surtout, à force d’échecs depuis son titre à Chelsea en 2015, il ne parvenait plus à attirer que des clubs de second rang comme Tottenham et la Roma, avec impossibilité de rivaliser avec les plus grands, dont Guardiola. Mais les fans de Mourinho vous prouveront toujours le contraire. Et cette nouvelle finale était l’occasion de réveiller le débat. Ils avaient déjà essayé lors de la victoire de MU en Europa League en 2017, sans trop tenir compte des faits (abandon de l’objectif top 4 en Premier League et rattrapage en urgence sur la C3). Ils n’ont pas non plus trop crâné l’an dernier pour une C4 naissante et un brin méprisée en France, même si tout d’un coup, les présences de Marseille (2021/22) et Nice (2022/23) dans les derniers tours avaient fait naître quelque espoir. Mais l’assaut n’a pas traîné cette année, et dès la qualification acquise le déferlement mourinhesque était en route.

Plusieurs explications à cela. Bien sûr, la sixième finale européenne de Mourinho, un véritable exploit quand bien même les trois dernières seraient dans l’ombre des grands. Mais surtout la présence parallèle de Guardiola en finale de la C1… Le temps du « supporterisme » a ses revers en ce qui concerne les clubs. Ils ont toujours existé. Les supporters de l’Inter ont toujours défilé dans les rues à la moindre élimination européenne de la Juve. Cela fait partie du folklore… Mais la nouveauté est le « supporterisme » attaché aux joueurs ou entraîneurs. Un véritable cancer du football ! Bien sûr, cela peut paraître sympa d’inventer de nouvelles rivalités et d’imaginer un derby de Riyad (Arabie Saoudite) avec Messi vs. Ronaldo. Mais la passion pour un club, dont on ne connaissait pas le nom deux jours avant, pose déjà une première question. Et la deuxième suit immédiatement autour de cet intérêt exclusif uniquement centré sur un seul joueur. Pas très foot, quoi ! Mais le plus grave danger de ce supporterisme individuel est ailleurs. Partout, il se construit en effet par opposition à un « ennemi ». Quand la passion devient négative contre l’autre, la rancœur et la haine deviennent mauvaises conseillères et nuisent au football. Pour reprendre l’exemple Guardiola-Mourinho, le process a été évidemment aggravé par le showman Mourinho qui a nourri ses fans de saillies et piques envers ses adversaires. Où qu’il soit, il s’est toujours trouvé des ennemis… ou des responsables à ses échecs. Même les nouveaux dirigeants de la Roma sont ainsi gênés par son obsession des arbitres qui le persécuteraient. Depuis toujours, à vrai dire… Ces haines recuites sont le côté négatif du personnage Mourinho. S’il restera dans l’histoire du foot comme un manager moderne qui a fait évoluer le métier (spectacle sur le terrain et en salle de presse, rapport avec les joueurs), il a emmené une kyrielle d’adorateurs dans un abîme footballistique. Ceux-là même qui sont incapables de reconnaître ou même caractériser l’apport d’un Pep Guardiola à l’histoire du jeu. Juste parce qu’il serait en opposition avec leur idole. Imaginez seulement un improbable Chelsea-Manchester City des années 2030 avec Guardiola à Chelsea et Mourinho au Barça. Ces supporters idolâtres seraient donc à fond contre un club qu’ils ont soutenu à mort, pour lui, dans le passé… Abîme sidéral ! Et la passion peut entraîner loin. À témoin, l’incroyable angle d’attaque inventé par les fans de Mourinho. Puisqu’il est difficile d’opposer grand-chose au City de Guardiola qui a éreinté le Real, il a donc fallu en passer par une dévalorisation de la performance des «Citizens» puisque Guardiola aurait chéquier ouvert et aurait constitué une équipe sans égal. Sous-entendu, qui gagnerait donc avec n’importe quel entraîneur. Evidemment, il y a de quoi largement en discuter. Sauf sur le plan financier où, effectivement, City a pu construire cette équipe à prix d’or. Mais, en alignant, les clubs d’origine des joueurs (Everton, Aston Villa, Benfica, Dortmund, Monaco, Wolfsfburg ou même Atletico), il est difficile d’affirmer que City a toujours recruté les meilleurs du monde pour gagner dans l’aisance. Il est délicat de ne pas souligner le travail de Guardiola pour faire progresser ces joueurs et inventer toujours jusqu’à aboutir à un collectif impressionnant. On peut être contre Manchester City sur un plan moral (club sans limites financières), mais aussi reconnaître que la performance footballistique est faramineuse. À preuve, Manchester City vient d’aligner cinq titres dans la terrible Premier League en six années. Un exploit autrement plus difficile que de gagner une Ligue des Champions ce qui, parfois, peut survenir sans le programmer et par une série heureuse d’évènements favorables. Mais on ne veut pas retirer de la bouche des supporters du Portugais leur principal argument : c’est vrai, jusqu’à preuve du contraire, Guardiola n’a pas encore gagné la Ligue des Champions sans le Barça et Messi. On verra le 10 juin…

De toutes façons, ne vous inquiétez pas, même en cas de victoire logique de City en finale, ils trouveront des arguments (arbitrage Leipzig, Bayern…), même justes pour certains (fair-play financier), pour discréditer l’apport incroyable de Guardiola qui offre un football de qualité sans égale en Europe depuis 14 années, le tout en remportant 11 titres de champion national. De toutes façons, c’est factuel, aucun entraîneur n’a autant gagné que Pep Guardiola. On peut y trouver des explications de toutes sortes, mais sûrement pas continuer d’affirmer, sans fond, que Mourinho incarne la gagne. Ce dernier a d’ailleurs enchaîné les départs anticipés et est, le plus souvent, resté embourbé à la sixième place, que ce soit à United (sauf une saison, 2e), à Tottenham ou à la Roma. Après 13 premières années spectaculaires, la carrière du coach portugais (fils d’entraîneur lui-même) a subi une inflexion notable. Le personnage reste aimé et attractif (le retour du public romain au stade est un point très positif) mais il frôle trop souvent la carricature de lui-même. Et, à 60 ans, la proximité qu’il arrivait à créer avec les joueurs, est devenue forcément plus délicate. Mais, quelle que soit la nuance, il y a toujours, en face, un argument en forme de parade absolu. Et là, je dois dire que cela dépasse tout ce qu’on pouvait imaginer… Et, comme souvent, c’est Mourinho qui, en conférence de presse, a attisé la gourmandise des médias complices en évoquant le banc de Manchester City (et donc l’argent) pour justifier la place des Anglais en finale. Puisque Guardiola est l’entraîneur des riches (et que c’est pour ça qu’il gagne…), Mourinho serait donc l’Abbé Pierre des entraîneurs, celui qui fait gagner les pauvres, les petits clubs sans moyens. Evidemment, on rappelle gentiment que la Roma est, certes, un club de second rang (même sous Mourinho où elle reste en dessous du Top 4, sauf pénalité de la Juve ou miracle de fin de saison) mais son budget de 330 Millions est tout sauf négligeable. En tout cas, largement à la hauteur d’un finaliste européen, ce qui ressemble à la culture club. Ces neuf dernières années, la Roma a ainsi toujours été au moins en 1/8e de finale en C1 (demi en 2018!), C3 ou C4. Pas mal pour un « petit club »… Surtout que Mourinho a ramené de l’ambition à la Roma. Venu avec de nouveaux propriétaires, ses moyens ne sont pas illimités, mais intéressants au vu de recrues aux salaires conséquents. En dehors du PSG, aucun club français ne peut s’aligner sur Dybala, Matic ou Abraham. La Roma a investi 136 M d’Euros en transferts en deux années (en plus d’une masse salariale en forte hausse). Et si les ventes ont été conséquentes (85 Millions), cela laisse le club romain parmi les clubs ayant le plus investi après les monstres. Surtout, le tour de passe-passe est assez prodigieux si l’on songe au parcours de Jose Mourinho qui est, au contraire, le premier symbole des années fric. Son Chelsea des années 2004-07 pouvait tout s’offrir, au même titre que le PSG et City aujourd’hui. Il est le manager ayant historiquement le plus dépensé de l’histoire du football (1,8 Milliard d’Euros, un peu devant Pep). Et encore était-il à son top à un moment où un Ricardo Carvalho coûtait 20 millions, quand il en faut 50 de plus pour que Guardiola attire Ruben Dias. Une telle supercherie ne devrait normalement pas durer plus de deux minutes. Mais dans un monde bâti sur des débats tranchés et extrêmes, Mou sait attiser les débats à l’imagination débordante. Comme ce récit « Mourinho Robin des Bois », comme sorti d’un exercice de propagande de haute volée. Tout ça pour départager absolument ces deux entraîneurs. Or, si l’on doit avoir une préférence pour l’un ou pour l’autre, tant ils sont différents. Si l’on ne peut que les différencier sur leur style de management et de jeu, à l’opposé l’un de l’autre. Si on peut évidemment choisir l’un plutôt que l’autre. Par contre, il est interdit de ne pas reconnaître qu’on a là deux personnalités qui auront marqué l’histoire du football, chacune à leurs manières respectives. Il n’est vraiment pas nécessaire d’ajouter des discours haineux de nature à laisser croire qu’ils vont s’affronter en finale de la Coupe d’Europe. Chacun est, aujourd’hui, dans sa catégorie. Avec un sérieux écart entre la C1 et la C3… Mais rien ne dit que Mourinho ne connaîtra pas, grâce au parcours européen de la Roma, un retour de flammes au plus haut niveau. Au moins médiatique si le PSG confirme qu’ils sont sur la même longueur d’onde côté show-biz. Côté football, ce serait un paradoxe assez violent de voir le PSG choisir Mourinho l’année où Pep Guardiola remporte la Ligue des Champions… Mais la chance du football est de savoir offrir plusieurs manières de gagner. En même temps que Guardiola, un Mourinho peut toujours exister. Magique football…

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