Jannik Sinner continue de nous impressionner tournois après tournois et est en train de réaliser des ATP Finals de très haut niveau.
Jannik Sinner est-il purement injouable ? Sur ce Masters (ATP Finals) masculin il a pu montrer un niveau stratosphérique. Statistiquement le meilleur de sa saison puisque les notes sur la qualité moyenne de ses frappes dans l’ensemble du tournoi d’après l’ATP sont à plus 9,4 sur 10. La finale a été notée à 9,51 sur 10. C’est une stat complètement irréelle montrant le chemin parcouru de ce joueur. Il y a encore 2 ans il était ce joueur très prometteur ayant un plan A « à la vie à la mort » qui montrait des qualités hors du commun, mais qui boisait beaucoup en coup droit sur son appui ouvert quand il revenait du revers, et qui était un chouillat frêle physiquement pour le plus haut niveau, lui coutant quelques matchs et fautes dommageables. Depuis, physiquement il est devenu une machine d’explosivité, d’endurance et d’efficience. Ces fameuses fautes de coup droit ont disparu, sa capacité à passer de loin derrière la ligne à proche, puis de nouveau loin, s’il a besoin dans le même point, est devenue formidable ! Son évolution en revers avec des appuis ouverts en revers glissés (modèle Djoko…) lui permettant de ne pas lâcher une once de terrain tout en re-frappant fort pour re-contrôler le point immédiatement, en font un Novak 2.0 en puissance.
Et surtout, son choix de « Plan A » encore plus fort, tout en ayant ajouté des adaptations, notamment en retour où il change ses positionnements si besoin, s’avoue tout bonnement fou de précision et d’intensité. Et je ne parle même pas de l’évolution de son service qui est phénoménale.
On craignait de perdre gros avec Nadal, Federer, Murray et bientôt Djokovic partant à la retraite, et bien le tennis continue son évolution avec cet Italien complètement fou de travail, d’amélioration et de niveau de jeu surnaturel.
Sinner bien au dessus d’Alcaraz ?
Je disais dés le début de mes réseaux sociaux, sur mes vidéos, que Sinner était meilleur tennistiquement qu’Alcaraz et qu’il avait un plus gros potentiel, ce qui a l’époque était osé car il ne gagnait pas les tournois que remportait Carlos. La grande différence étant que l’Espagnol est depuis plus longtemps un meilleur athlète, ce qui lui permettait par son explosivité de faire des choses énormes. Son sens du jeu était supérieur à Sinner.
Désormais, tout cela a bien changé et Carlos, même s’il a réussi à battre encore récemment Jannik, est pour moi derrière à ce jour. Il n’y a quasi aucun compartiment du jeu où Alcaraz peut rivaliser avec Sinner en dehors de la variété des choix de jeu.
Lors de la finale contre Fritz, Sinner a toujours donné cette impression qu’il était un peu plus fort et qu’il allait gagner. Il n’y a que quelques points d’écart (34 à 27 au premier set, 29 à 27 au second) mais quelle différence quand même! L’attitude impeccable de Sinner du début à la fin du match est aussi une grande force. J’ai trouvé que Fritz était assez stressé et s’exprimait parfois trop. Notamment côté revers il donnait clairement des indications d’agacement. Chose à éviter au Tennis, de montrer ses émotions et ses difficultés sur un coup à son adversaire. Le plus grand cadeau que vous puissiez faire pour aider un joueur…
Fritz était constamment sur un fil, et comme à la finale de l’US Open, devait faire le match quasi parfait pour espérer avoir une chance de déjà gagner ne serait-ce qu’un set… Sa qualité de service doit être au max face à un Sinner exceptionnel en retour à la moindre occasion. Il n’y a rien de pire au tennis que de jouer quelqu’un qui vous met une pression constante en retour. Vous donnant même en première balle la sensation que si vous n’attrapez pas une zone excellentissime, vous prendrez un retour long au centre vous créant la possibilité de perdre le contrôle du point instantanément, ou encore à la moindre seconde balle pas à 10cm de la zone ou vous voulez jouer vous prendrez un retour long de ligne ou autre, agressif dans le terrain. C’est ce stress créé qui permet à Sinner de faire baisser la qualité de service de son adversaire, même lorsqu’il perd des jeux 40/0 ou 40/15.
Car dés que vous perdez un des 2 premiers points, que vous vous retrouvez à 15A en seconde balle, ça fait beaucoup réfléchir et stresser…
Quand vous êtes face à Sinner, vous savez aussi qu’il vous faut extrêmement bien retourner. Problème, il a progressé d’une manière complètement folle au service depuis un an et demi. Et quand vous savez que si vous ne retournez pas parfaitement bien, vous allez prendre un missile sur la frappe d’après, croyez-moi c’est très compliqué mentalement ! C’est ce qui fait la force des tous meilleurs joueurs du monde, c’est qu’ils gagnent des points même quand ils ne jouent pas forcément bien, car ils inspirent toujours une crainte de pouvoir faire potentiellement une frappe de très haute qualité à tout moment. Ce sont ce qu’on appelle les points invisibles, qui valent beaucoup.
Gilles Cervara (entraîneur français de Daniil Medvedev) m’a parlé de Sinner pendant ces ATP Finals. Il m’en a parlé comme d’une «muraille actuellement infranchissable ». Et je ne peux qu’être d’accord avec lui tant il faut mettre de densité et d’intensité pour un temps soit peu créer un décalage ou une petite fissure dans cette armure. Alors oui, on pourra parler d’une année exceptionnelle, digne des 4 fantastiques que l’on a connu ces 15 dernières années. Oui la concurrence semblerait un peu moins forte qu’auparavant, mais faut-il encore arriver à produire ce niveau la.