C’est un derby entre deux équipes censées faire mieux. Beaucoup mieux. En début de saison, Monaco et Marseille étaient attendus comme les principaux challengers du PSG, ceux qui devaient secouer un peu la hiérarchie et disputer avec acharnement cette fameuse deuxième place.
Mais à l’heure où le sprint final est lancé, on est très loin du compte. L’un comme l’autre a déçu, agacé, frustré. Et ce match entre deux prétendants sur courant alternatif ressemble autant à un test de crédibilité qu’à une affiche de haut de tableau.
Ce match, pourtant, peut tout relancer. Pour Monaco, c’est l’occasion de reprendre un peu de marge dans la course au podium, et de prouver qu’il peut enfin assumer ses ambitions. Pour Marseille, c’est peut-être l’une des dernières chances de sécuriser sa seconde place, de redonner du sens à une saison en dents de scie. Mais pour ça, il faudra autre chose que des intentions. Il faudra de l’envie, de la constance, de l’efficacité. Il faudra que les leaders se montrent.. Parce qu’au-delà du classement, ce Monaco – Marseille est aussi un match pour la fierté. Celle de deux clubs historiques, censés viser plus haut, censés offrir plus. Il est temps que l’un des deux, au moins, le prouve.
LE CLUB MED
Et si Monaco n’arrive pas à enchaîner, ce n’est ni à cause d’un manque de qualité, ni d’un effectif trop court. Non, les cartouches sont là. Il y a du monde, il y a du talent. Mais ce groupe donne trop souvent l’impression de vivre en club med permanent. Une équipe en gestion, qui ne se bouscule jamais, qui joue avec la clim à fond même quand la maison brûle. Incapable de se faire violence, de hausser le ton, de sortir les crocs quand le match l’exige.
Heureusement, la surprise venue de nulle part, Biereth, sauve les meubles. Le jeune attaquant enchaîne les prestations pleines d’envie, d’impact, de mouvements. Il marque, il passe, il crée. Bref, il fait le boulot. Et souvent, tout seul. Sans lui, Monaco ressemblerait parfois à une colonie de vacances sans animateur.
Derrière ? C’est la kermesse. On défend quand on y pense. Parfois bien, souvent mal, avec au passage quelques dingueries absolument indignes du très haut niveau. Le moindre pressing bien organisé suffit à semer le chaos. Et quand ça tangue, tout le monde regarde l’autre, personne ne prend ses responsabilités.
Au milieu, les Akliouche ou Minamino, qui faisaient des ravages en début de saison, semblent désormais jouer au petit trot, comme s’ils avaient déjà coché la case “efforts” dans leur short list hebdomadaire. Leur talent n’a pas disparu, mais leur intensité, si. C’est tout le problème. Devant, Balogun et Embolo font ce qu’ils peuvent pour accompagner Biereth. Mais entre les pépins physiques pour l’un et les doutes persistants pour l’autre, le duo ne dégage ni confiance ni efficacité. On a l’impression que personne ne sait vraiment quelle est sa place ni comment peser dans les grands rendez-vous. L’équation est donc limpide : de très bons joueurs, mais une dynamique bancale et un état d’esprit aux fraises. Trop peu pour un prétendant sérieux au podium. Trop peu pour un club qui prétend au top européen. À ce niveau-là, le talent ne suffit plus. Il faut une exigence, une âme, un cadre. Il serait peut-être temps qu’Adi Hütter, connu pour son exigence en Allemagne, remette un peu de rigueur dans ce joyeux bordel. Car à force de se contenter du minimum, Monaco pourrait finir par tout perdre.
DE ZERBI BALL
Et que dire de Marseille ? À vrai dire, une saison à l’OM où la maison ne tangue pas… ce ne serait pas vraiment une saison à l’OM. Le chaos fait partie du décor, presque du folklore. Mais cette fois, l’incendie couve sous la surface. L’arrivée de De Zerbi, saluée pour sa philosophie de jeu ambitieuse et sa volonté de révolutionner l’identité marseillaise, devait ouvrir un nouveau chapitre. Mais pour l’instant, c’est surtout un chapitre confus, écrit au crayon à papier, avec des ratures à chaque page.
De Zerbi a besoin de temps, c’est vrai. Ses principes de jeu demandent de la rigueur, de l’intelligence tactique, et surtout une équipe capable de répondre à ses exigences techniques. Oui, mais jusqu’à quand ? Car à l’OM, le temps est une denrée rare. L’urgence, elle, est quotidienne. Et les promesses du projet commencent déjà à s’effriter.
La défense à trois ? Une bonne idée, sur le papier. Mais elle devient un véritable jeu de massacre quand elle repose sur des défenseurs moyens, pas assez rapides, pas assez justes, pas assez concentrés. Et quand on doit bricoler avec des milieux de terrain placés en défense centrale, l’édifice prend l’eau à la moindre rafale. Le déséquilibre est criant : Marseille se fait transpercer à chaque perte de balle, surtout face à des adversaires qui jouent vite et qui sentent le vent de panique.
Au milieu, seul Adrien Rabiot, seul régulier, semble tenir la route. Mais autour de lui, ça manque de tranchant, d’impact, de lucidité. Le travail de premier rideau défensif n’est pas assuré, et l’équipe se retrouve trop souvent coupée en deux, écartelée entre des défenseurs dépassés et des attaquants isolés.
Et en parlant d’attaque… le cas Greenwood symbolise à lui seul cette instabilité. Après deux mois flamboyants en mode Mohamed Salah, l’Anglais traverse une période d’anonymat inquiétante. Plus tranchant, plus dangereux, il ressemble davantage à Lilian Laslandes en fin de carrière qu’à un tueur des surfaces. Le doute s’est installé, et avec lui, la pression.
Le vestiaire commence à chauffer. Les cadres grognent, les jeunes doutent, et l’autorité du coach est observée à la loupe. De Zerbi marche sur des braises, il le sait. Il reste un très bon entraîneur, avec une vision, une méthode, une identité forte. Mais il va falloir très vite remettre cet OM la tête à l’endroit, avant que le feu ne prenne pour de bon.
Contre Monaco, il a une opportunité : celle de relancer son groupe, de prouver que son projet tient debout, même dans la tempête. Sinon, ce qui devait être une belle aventure pourrait vite se transformer, comme souvent à Marseille, en une énième tragédie.