DE ZERBI, MALIN L’ITALIEN

L’Olympique de Marseille est sur le podium de la Ligue 1, une position flatteuse pour un club qui a connu de nombreux bouleversements ces dernières années. Pourtant, derrière cette troisième place se cachent des tensions palpables et des attentes énormes. La défaite récente contre Auxerre au Vélodrome a laissé des traces profondes, à la fois chez les supporters et au sein du vestiaire.

Mais ce qui a véritablement enflammé les débats, ce sont les déclarations choc de Roberto De Zerbi en conférence de presse. L’entraîneur italien, réputé pour son franc-parler, n’a pas mâché ses mots :

“Je dois prendre ma responsabilité, non seulement pour la défaite, mais globalement pour les performances de l’équipe à domicile. Je n’arrive pas à transférer les bonnes prestations de l’extérieur et à faire jouer l’équipe avec les bonnes valeurs et la bonne intensité à domicile. On a des difficultés à la maison, c’est clair et net. Je ne sais pas si c’est un manque de courage, de personnalité, j’essaie de trouver les solutions. Je suis venu ici pour jouer au Vélodrome, je suis venu ici pour donner un maximum au Vélodrome. J’avais envie de vivre ces expériences fortes au Vélodrome. C’est une faute qui est la mienne, j’en prends mes responsabilités. Je dois réussir à transférer les bons composants pour faire des performances ici. J’en ai parlé avec Benatia et Longoria, je viens de la rue, je dis les choses comme elles sont. Si le problème c’est moi, je suis prêt à partir, je casse mon contrat, je pars sans l’argent. Je m’en fous, ce n’est pas mon problème. Je ne suis pas là pour dire des bêtises, je dis la vérité. C’est ce que je sais faire. On essaie de retrouver les bons composants pour faire un bon joueur de foot. Je ne vais pas m’échapper, on doit regarder la vérité en face.”

LE SHOW DE ZERBI

Ces paroles, qui peuvent sembler livrées à chaud mais qui ont été bien réfléchies, ont résonné comme un coup de tonnerre dans le ciel marseillais. La franchise de De Zerbi, son côté presque brut, tranche avec la langue de bois souvent employée dans le monde du football. Mais pourquoi un tel discours maintenant, alors que l’OM est encore bien placé en championnat ? Pour comprendre la stratégie de l’Italien, il faut revenir à ses motivations profondes et son parcours atypique.

Roberto De Zerbi n’est pas un entraîneur ordinaire. Il a refusé des offres prestigieuses cet été, dont celle de Manchester United, pour rejoindre Marseille. Pourquoi ? Parce qu’il est animé par une passion quasi sauvage du football, un amour du jeu et un désir de vibrer au cœur d’un projet intense, dans un stade aussi bouillant que le Vélodrome. Il est venu chercher ce frisson unique qu’offre Marseille, cette adrénaline qui pousse les joueurs et les entraîneurs à se transcender sous les chants des supporters. Pour lui, échouer à domicile, c’est plus qu’un simple revers sportif ; c’est une trahison de ses propres valeurs et de la promesse qu’il a faite en rejoignant l’OM.

ELECTROCHOC ATTENDU

Le discours de De Zerbi pourrait être interprété de plusieurs façons, mais il semble clair qu’il cherchait à provoquer un électrochoc. En pointant du doigt les difficultés de son équipe à domicile, il envoie un message fort à ses joueurs: le talent ne suffit pas, il faut du caractère, de l’intensité, de la personnalité, surtout dans un contexte aussi exigeant que celui de Marseille. Des joueurs comme Rabiot, Højbjerg, ou encore Greenwood ont été attirés par le projet De Zerbi cet été, séduits par la promesse d’un football ambitieux, intense, porté vers l’avant. Mais le technicien italien semble constater que ces recrues peinent à assumer leur statut de leaders, notamment dans les moments clés au Vélodrome.

En prenant publiquement ses responsabilités, De Zerbi protège son groupe tout en le mettant face à ses devoirs. C’est un moyen habile de remettre chacun devant ses responsabilités. Car, au-delà des déclarations, il y a une réalité sportive : l’OM ne parvient pas à reproduire à domicile les prestations solides qu’on lui connaît à l’extérieur. En appuyant là où ça fait mal, De Zerbi espère secouer ses joueurs, les pousser à se révolter et à montrer un tout autre visage devant leur public. Car il sait une chose et il a tout à fait raison. Les grands noms ne sont pas venus à l’OM par hasard. Sans coupe d’Europe et sans chéquier illimité, ils sont là pour lui, son charisme et la promesse de lendemains qui chantent.

Mais la sortie médiatique de De Zerbi ne s’arrête pas aux joueurs. Avec le mercato d’hiver en ligne de mire, difficile de ne pas voir dans ses propos une forme de pression indirecte sur Pablo Longoria et Mehdi Benatia. L’Italien est un fin tacticien, pas seulement sur le terrain, mais aussi en dehors. En exprimant ouvertement ses frustrations, il pose la question des moyens. Peut-être considère-t-il que son effectif actuel manque de profondeur ou de certains profils capables de faire la différence dans des contextes tendus.

Cette méthode, consistant à mettre publiquement la pression sur sa direction, n’est pas nouvelle chez De Zerbi. Il l’avait déjà fait par le passé, notamment du côté de Brighton en Premier League, où il avait connu des débuts éclatants avant de se heurter à des limites structurelles.

LA MÉTHODE BRIGHTON

Pour bien comprendre la démarche actuelle de De Zerbi, il est crucial de revenir sur son passage à Brighton, une expérience que j’ai eu la chance de suivre de près ici en Angleterre. Arrivé chez les Seagulls en pleine tempête, l’Italien avait réussi l’exploit de transformer une équipe moyenne en véritable machine à jouer. Sa première saison fut un succès retentissant, marquée par une qualification historique en Ligue Europa. Le football déployé par son équipe était audacieux, résolument tourné vers l’avant, avec une intensité de chaque instant. Je me souviens que tout le monde s’accordait à louer son talent et sa joie de vivre.

Mais le rêve a pris un peu de plomb dans l’aile lors de la seconde saison. De Zerbi s’est rapidement heurté aux réalités d’un effectif limité et aux attentes exponentielles nées de ses premiers succès. Des tensions sont apparues avec sa direction, notamment autour du recrutement. Il voulait des renforts pour continuer à performer au plus haut niveau, mais n’a pas toujours été entendu. Plutôt que de courber l’échine, il a choisi de dire ses quatre vérités. Son discours de l’époque, très proche de celui tenu aujourd’hui à Marseille, visait autant à secouer son groupe qu’à mettre sa direction devant ses responsabilités.

Finalement, De Zerbi avait quitté Brighton, non pas sur un échec, mais sur un constat de divergence avec ses dirigeants. Il avait laissé derrière lui une équipe en meilleure posture que celle qu’il avait trouvée, tout en conservant l’admiration des supporters pour son intégrité et son franc-parler. Une sortie par la grande porte, avec l’image d’un homme de principes.

Aujourd’hui, à Marseille, Roberto De Zerbi semble utiliser les mêmes ressorts. Il sait que dans une ville aussi passionnée, la patience est une denrée rare. Sa déclaration a peut-être surpris, mais elle est le reflet d’une stratégie bien pensée. En se mettant en première ligne, il prend des risques, certes, mais il se donne aussi la possibilité de sortir dignement si les résultats ne suivent pas. Car à Marseille, tout peut basculer très vite, pour le meilleur comme pour le pire.

Les prochaines semaines seront cruciales pour l’OM. Une réaction est attendue, tant au niveau des joueurs que de la direction. Car si De Zerbi parvient à redresser la barre, il pourrait bien marquer l’histoire du club, tout comme il l’a fait à Brighton. Mais si les contre-performances s’accumulent, son franc-parler pourrait aussi précipiter son départ. Dans tous les cas, l’Italien restera fidèle à lui-même, entier, passionné et sans compromis. Et je le répète avec ce côté fin stratège qu’il cache derrière un visage ordinaire, celui d’un homme dont on ne se méfie pas.

Qu’on l’aime ou qu’on le déteste, Roberto De Zerbi ne laisse personne indifférent. À Marseille, il est venu chercher ce frisson unique, cette adrénaline qui pousse les hommes à se transcender. La balle est désormais dans le camp de ses joueurs et de ses dirigeants. À eux de prouver que le Vélodrome peut redevenir le lieu de tous les possibles. Car De Zerbi n’a pas encore envie de clôre le chapitre olympien. Mais place ses pions au cas où… Malin l’italien…

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