Un petit voyage sur les hauteurs de Montjuic pour un Barça-Real ou d’Old Trafford pour le derby de Manchester marquent la différence quand la France exhibe son mal-être autour du Stade Vélodrome.
Un week-end de feu. Comme tout le monde, «Weekend Sports» avait coché cette fin de semaine dernière. Pas seulement pour penser à changer d’heure et à plonger définitivement dans l’automne hivernal. Mais parce qu’était enfin venu le temps des grands classiques après le « ronron » des débuts de championnat où les grandes équipes sommeillent jusqu’à la fin du mercato et l’entame européenne. Au menu : le « Clasico » Barça-Real et un derby de Manchester, pendant que la France vendait son « Olympico » OM-OL… Chacun dans son style, personne n’a déçu. Le Barça-Real a pris de la hauteur et a célébré le football. Manchester City a estourbi son voisin et donné la leçon comme à ses meilleures heures. Et les ahuris qui veulent absolument profiter de toute occasion et du football pour mettre à bas la société française ont réussi à faire annuler un OM-OL. Je ne dis pas que ces gens font action politique et n’ont rien à voir avec le football. Ils reproduisent malheureusement le schéma bien connu des « ultras » qui font leur match ou leur « performance » et se fichent totalement des conséquences pour ce qu’il nomme « leur » club ! Affligeant de bêtise crasse et de mépris des autres, ceux privés de leur petit bonheur en forme de ballon rond. En voyant ce spectacle pitoyable, on ne pouvait qu’évoquer Jean de la Fontaine. « Adieu veaux, vaches, cochons, milliard… ». Le dernier mot ne sort, bien sûr, pas de la célèbre fable « Perrette et le pot au lait », mais de notre composition. Ou plutôt de celle de la LFP qui revendiquait le milliard d’Euros par an pour son appel d’offres des droits TV. Alors même qu’elle se trouve confrontée à des dérives qui la dépassent totalement et minent définitivement la valeur de la Ligue 1. Ne croyez surtout pas que le football soit innocent en la matière. Sa version à la française a ouvert le chemin aux pires dérives. Toutes ces révérences des dirigeants de club ou d’instances devant des groupes « ultras » qui expriment surtout haine, racisme et idées politiques nauséabondes, a été l’un des plus sûrs ferments de ces comportements de l’extrême. Quand, dans un soir de ténèbres absolues comme dimanche dernier à Marseille, certains de ces manipulateurs osent ouvrir le jeu des comparaisons avec d’autres affaires de violence pour justifier combien leur club «chéri» aurait dû être sanctionné moins durement par la LFP, on voit jusqu’où peut aller la gangrène. Qui nous rapproche sans cesse de l’amputation. Football français boitant (très) bas à venir… Trois jours avant, tout le monde nous prédisait pourtant des jours meilleurs avec de bons résultats européens. Certes, je ne doute pas que la France sera devant Pays-Bas et Portugal au classement UEFA à la fin de saison et se garantira une place de plus en Ligue des Champions. Mais ce pourrait bien n’être pas si durable si son économie s’effondre par ailleurs. Or, celle-ci n’est que la traduction cynique d’un effondrement moral bien plus profond. A ne pas vouloir les traiter et à vouloir toujours parler avec ces gens retords (même après une défaite quand les joueurs vont « s’expliquer » avec ces « supporters » !!!), nos dirigeants sont en train de couler notre football.
Et pourtant, même au plus haut niveau, le foot existe encore ailleurs. Le Camp Nou en travaux majeurs (payés par le Barça, et non les deniers publics comme en France…), c’est le cadre un peu décalé du Stade Olympique de Montjuic qui accueillait ce nouveau « clasico » Barça-Real. Et il n’a pas déçu. Du jeu, toujours du jeu. En Espagne, on cherche toujours et d’abord à jouer. Tout cela est né de la volonté de Johan Cruijff en Catalogne à la fin des années 80. Il était donc logique que ce soit le Barça qui imprime le premier sa marque dans ce sommet espagnol. Les Catalans auraient sans doute dû remporter le match dans cette partie initiale qui aurait pu lui valoir une avance importante. Au lieu de quoi, le temps a joué pour le Real. Obnubilé par la défense sur Vinicius Junior, le Barça, malgré toute la volonté vivifiante du jeune Gavi au milieu, a fini par ouvrir la porte au talent fabuleux de Jude Bellingham. C’était sans doute injuste au vu de la production du Barça pendant une heure. Mais très football. Et, après tout, si l’épure barcelonaise impressionnait, le Real sait traditionnellement compter sur ses stars. À 20 ans, Jude Bellingham en est déjà une… Difficile, ainsi, de dire ce qui manque au joueur anglais. Il affiche des certitudes dans tous les domaines, y compris désormais devant le but adverse. Ses deux buts ont décidé du «Clasico». En faveur d’un Real pas forcément convaincant. Mais quand on peut encore faire rentrer en jeu Modric et Camavinga au moment adéquat, c’est qu’on a quand même quelques atouts dans sa manche. Certes, le Barça serait plus solide avec De Jong, Pedri et Lewandowski. Mais, à la mesure des différences économiques entre les deux clubs, l’effectif du Real Madrid demeure plus riche pour le très haut niveau. Reste le plaisir de voir jouer le Barça comme samedi à Montjuic…
Le plaisir s’est prolongé à Manchester avec l’ancien mentor du Barça version années 2010, Pep Guardiola. Le derby mancunien à Old Trafford a, en effet, encore consacré City face à l’ombre de United… Et là, malgré les absences de Luke Shaw ou Lisandro Martinez en défense, pas facile de trouver des excuses ou satisfactions côté Manchester United. En parallèle des bafouillages en relance des Lindelöf-Maguire-Evans derrière, il y avait aussi un milieu puissant mais bien insuffisant Amrabat-Mc Tominay. Il est bien vrai que ce n’est pas la première équipe à se faire trimballer par un City inspiré. Dès lors que la concentration et la volonté sont là, Man City redevient intouchable en Angleterre. Si les votants du Ballon d’Or avaient vu le match de Rodri et sa maîtrise sur le milieu, nul doute qu’ils auraient encore nui au score d’Erling Haaland (deux buts, pourtant !) tant il mérite de partager les bénéfices des succès de juin dernier : « the Treble » (PL, Cup, Champions League). Et, plus globalement, City a renvoyé United et l’entraîneur Erik Ten Hag à leurs chères études. Le Néerlandais veut s’inspirer largement du voisin catalan Pep Guardiola. Mais force est de reconnaître que les efforts de l’an dernier (troisième, tout de même) paraissent bien loin et que les joueurs sont sur la voie du renoncement. Et, dans ce cas, on sait bien qui va en payer les frais par un licenciement devenu tellement ordinaire du côté de United… À la lecture du désastre OM-OL, la différence est si criante. Bien sûr, il ne nous est jamais venu à l’esprit de comparer footballistiquement OM-OL avec le clasico ou le derby de Manchester. Mais il est frappant que, en Espagne ou Angleterre, ces clubs parlent et s’expriment d’abord à travers le jeu. L’exigence est placée tout là-haut ! Dans la production collective du Barça, la valeur individuelle des joueurs du Real, le jeu enveloppé du City face au projet avorté de United. Pendant ce temps, nos préoccupations s’échappent sans cesse vers le fait divers. D’un OM gangrené par des affaires entre une direction de plus en plus démissionnaire et les associations de supporters (déjà eux…). D’un OL qui ne se remet pas de la vente du club à un jongleur de fonds qui ne lui appartiennent pas.
Avant même ces bus explosés (celui des supporters lyonnais comme celui des joueurs…) dans les rues avoisinantes du stade Vélodrome, on en était à chercher des taupes à Lyon, à taper sur la tête « d’un entraîneur de DH » à Marseille (Marcelino !) ou traiter le problème Cherki sur le plan de la personnalité plutôt que du joueur de foot… Bref, quand Liga et Premier League sont encore de vraies compétitions, la France ne parle plus de football. Toute la semaine, les débats ont tourné autour des incidents du Vélodrome et on a entendu ministres ou députés cingler le foot, bouc émissaire usuel. Le débat s’est aussi transporté sur les prochains JO. Et chacun est allé de ses arguments sociétaux péremptoires. Un autre sujet quand même ? Oui, le «chambrage» de Mbappé envers le public brestois… Et, pendant ce temps-là, l’OGC Nice est un surprenant leader. Et il faudrait bien qu’on en parle un peu un jour… Quand il y aura de la place entre deux débats sociétaux essentiels…