L’ANTIDOTE À LA SUPER-LEAGUE !

Ce soir, c’est Pays-Bas-France ! Un classique ! Une belle occasion de parler de jeu. Platini-Cruijf, ASSEPSV, Zidane-Bergkamp… Sauf que ce ne sont surtout pas ces matchs de sélections qui nous passionnent à l’automne. Faute de suspense (qui doute que la France sera qualifiée à l’Euro ?), faute d’envie aussi… Alors, revenons résolument sur l’incroyable semaine européenne du début octobre pour mieux nous projeter sur celle de la fin du mois. De Lens à Newcastle…

C’était une semaine bien ordinaire. La première journée de Ligue des Champions avait déjà figé les valeurs et la deuxième journée devait confirmer la hiérarchie et préparer – déjà – les qualifications des gros pour le printemps européen. Ainsi, outre Manchester City, Real, Barcelone ou Bayern, Arsenal et le PSG avaient déblayé la route lors du premier épisode. Tout paraissait bien en ordre. C’est bien simple, la semaine avait même commencé par la rumeur d’une prochaine formule européenne pour 2027 qui officialiserait une sorte de Super-League avec une formule championnat (34 matchs !!!), des divisions (avec accession-relégation) et tous les ingrédients d’une Super-League. L’UEFA, toujours plus sous l’influence de l’ECA (syndicat des clubs dominé par les trop grands clubs !), franchissait ainsi la dernière digue avant le razde-marée sur les championnats locaux et l’argent des droits TV. Dès lors que ceux-ci ne seraient plus qualificatifs pour l’Europe, ils n’auraient plus aucune chance de maintenir leurs dates de week-end et donc leurs ressources. La fin d’un monde. Et le début d’un autre où tout devient possible autour des gros clubs. Comme jouer tout autour du monde, contre des clubs de tous continents (avant que la FIFA ne le fasse ellemême et mange le gâteau). Les championnats locaux ? La réserve des clubs monstres y suffira bien… Bref, le thème était à un monde réglé sur la toute puissante de gros qui avalent tout. Mais, avec une semaine qui promettait d’être joyeusement exotique. C’est d’abord le RC Lens qui mettait l’ambiance pour la réception d’Arsenal. Puis Newcastle qui retrouvait aussi la Ligue des Champions face au PSG ! Un cocktail idéal…

Deux stades en feu pour assister aux démonstrations des monstres européens. Sauf que, d’emblée, le Racing a montré à Arsenal qu’il répondait présent. En fait, les grands de ce monde sont habitués à venir dicter leur loi. Ce n’est plus le temps d’avant où l’on était forcément bousculé en déplacement. Où le nul était déjà un bon résultat. Ca, c’est le football de papa. À une époque où tous les grands joueurs de la planète n’étaient pas rassemblés dans quelques clubs, avec des écarts de valeur considérable. Pourtant, malgré une ouverture du score rapide, Arsenal voulait tant contrôler le match qu’il en finissait par ne pas vraiment jouer. Ne poussant aucune action offensive, les Gunners rappelaient ces nouveaux anglais hérités d’Alex Ferguson qui avait appris à être prudent en déplacement en Europe. Surtout, Arsenal était de moins en moins dominateur ou en tout cas sa possession était de moins en moins incisive. À ce jeu-là, vous finissez par ne plus faire peur à votre adversaire. Et la révolte lensoise aboutit à deux buts victorieux. Bien sûr, la fin de match ressembla à un siège et tout Bollaert ressentit cette angoisse qui crée aussi les plus grandes joies… Dans les faits, il n’y avait évidemment pas dans l’attitude anglaise cette énergie des matchs à élimination directe. Mais c’est bien le ressenti du spectateur et du joueur lensois qui comptent alors. Cette fierté, cette sensation de vivre un événement, à défaut d’un avènement. Une énergie magnifique et tellement football. Tellement loin d’une super-ligue polissée par ce côté championnat qui lissera évidemment les envies. Et surtout, dans la nouvelle formule esquissée il faudra combien d’années à un Lens pour avoir droit de jouer le Real ou même Arsenal ?

On croyait donc avoir vécu un joli conte de fée, une qualification de coupe de France ce mardi 3 octobre à Bollaert. En se disant que cette énergie était bien rare et serait bien difficile à revoir dans le cadre de la Ligue des Champions. Et pourtant… Dès le lendemain, un nouveau duel anglo-français… Cette fois, ce n’était pas le grand et fourbe anglais qui devait terrasser le petit français. Cette fois, Newcastle était bien dans le rôle de Lens, avec un retour en C1 et un stade débordant d’envie ! Bien sûr, avec son actionnaire saoudien, Newcastle n’est pas dans la catégorie du RC Lens. Toutefois, avec ses six anglais au coup d’envoi, et une équipe sans grande star, Newcastle pouvait jouer le rôle. D’autant que le PSG n’était pas le revenant Arsenal, mais une équipe européenne installée. Certes, elle déçoit chaque année ceux qui s’imaginent gagner la C1 en claquant des doigts et du chéquier. Mais le PSG est systématiquement en 1/8e de finale, comme les plus grands… Si le duel n’était sûrement pas aussi inégal qu’il le paraissait, le scénario petit-grand d’europe fonctionnait bien. Et, de fait, voir Newcastle agresser les relances parisiennes dès le départ rappelait les temps anciens où les Anglais, pas toujours dominateurs en Europe (loin s’en faut) attaquaient le premier quart d’heure comme des affamés. Et, parfois, avec des suites et déroutes douloureuses…

En tout cas, ce n’était pas le pressing huilé d’un Manchester City. C’était bien celui d’une équipe bourrée des vitamines venues du public de Saint-James Park. De cette énergie qui repousse la peur. En jouant de la sorte, Newcastle aurait pu se faire trouer. Avec six joueurs au pressing très haut, ils devenaient une cible pour une équipe capable de sortir au mieux. Sauf que le PSG ne sort qu’à trois, et presque deux joueurs, Skriniar ne prenant pas trop la responsabilité. L’essentiel de la relance se concentre sur Marquinhos. Ce qui limite énormément les variations et les angles de sorties de ballon. Et encouragait finalement Newcastle à aller plus loin. Il y eut certes l’énorme occasion de Dembele dès le départ. Mais il en aurait fallu plus pour décourager les Geordies de se lancer aussi haut… Un match est aussi une partie de psychologie. Une fois que le PSG avait montré qu’il ne faisait pas bien peur, une grosse partie du chemin était faite pour un Newcastle United qui n’allait plus douter à mesure que le scenario du match leur donnait raison. Et un Anglais qui ne doute pas… Il aurait pu en être bien différemment. Mais, encore une fois, il faut que le gros ait l’ambition de démontrer sa supériorité et entretienne la peur chez le petit. Alors, bien sûr, tous les grands tacticiens du dimanche allaient tomber sur Luis Enrique pour lui expliquer comment il aurait fallu jouer. De fait, je me suis étonné que son envie de contrôler le ballon ne s’accompagne pas d’un troisième milieu de terrain pour éviter d’être en infériorité dans cette zone. Mais, imaginons, un PSG relançant et sortant les ballons de derrière. Il est alors probable qu’il n’aurait pas eu besoin de beaucoup de milieux pour transpercer Newcastle et trouver des attaquants autrement plus forts devant le but que des milieux.

La tactique de Luis Enrique pouvait donc avoir du sens, sans qu’on lui reproche forcément d’avoir été trop optimiste, voire méprisant par rapport à un adversaire supposé inférieur. Et prendre la composition du match de Rennes comme un aveu de l’entraîneur espagnol qu’il s’était trompé dans le nord de l’Angleterre, serait bien présomptueux. On reverra très certainement son 4-2-4. Et pas seulement contre Metz en Ligue 1. Evidemment, là encore, dans ce temple de St.James Park en transes, il manquait à cette soirée magnifique l’odeur du sang de l’élimination directe. Mais il n’empêche que, comme à Bollaert la veille, Newcastle avait réussi à faire revivre ces phases de groupe si répétitives et ennuyeuses que l’UEFA l’a déjà rénové et transformé dès 2024. Ne nous y trompons pas, la nouvelle formule ne sera pas la Super-League. Hormis les huit rendez-vous qu’elle génère et qui assoiront encore plus le pouvoir des grands sur cette première phase. Par contre, la nouvelle formule sera encore plus exigeante et poussera sans doute le PSG ou Arsenal à ne pas négliger une telle défaite dès le début de leur parcours. Si le PSG, par exemple, n’a pas trop souffert de cette défaite, grâce aux deux nuls déjà réalisés dans ce groupe lors des autres matches, la nouvelle formule le contraindra sans doute à plus de rigueur pour éviter un classement les obligeant à un barrage dangereux dès le mois de janvier. Mais il n’est pas temps de se projeter déjà sur 2024. Et de profiter de ce cadeau du ciel que nous ont offert les championnats de PL et de Ligue 1. En poussant sur le devant le RC Lens et Newcastle United, la Coupe d’Europe « Old Fashion » a réveillé les amoureux de l’Europe. Et tous ceux qui rêvent d’Europe et en font une fête. Que des tribunes, la fête se soit prolongée au terrain est un cadeau magnifique qui risquent de durer le temps de l’automne. Car ces deux victoires contre les gros sont rares et peuvent donc faire la différence et qualifier Lens et Newcastle. Avec une victoire sur le PSV dès la fin octobre, Lens serait ainsi en position idéale pour aller vers une qualification historique. Newcastle a, lui, aussi, fait un bout du chemin avant d’affronter deux fois Dortmund, celui qui n’arrive plus à incarner cette folie venue d’en bas malgré un stade en fusion et une équipe conquérante qui en veut toujours plus. Profitons en tout cas de ces moments car ils sont déjà rares dans une première phase où le suspense se limite souvent à un ou deux gros en danger. Manchester United est déjà installé dans ce rôle, bien parti pour nous offrir un suspense abouti et ouvrir ce premier tour plus que d’ordinaire. Même si l’on sait bien que Lens et Newcastle ne gagneront pas la Ligue des Champions, il est bien de sentir que le parfum de la coupe d’Europe n’est pas tout à fait mort et que ses effluves peuvent resurgir du néant. Ces clubs étaient en deuxième division, il n’y a pas si longtemps… Et ce parfum peut même rejaillir bien loin des futures adresses du football mondial. Loin de Singapour, Shangaï ou Dubaï, dans un de ces coins déshérités où ça sent bon la frite et le football…

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