LE NOUVEAU BLOCKBUSTER

Ce n’était pas prévu. Après une palette Manchester City la semaine passée, il fallait passer à autre chose cette semaine. Et puis, nous voilà posé devant un Liverpool-Manchester City qui dépasse à peu près tout ce qu’on a vu cette saison, toutes compétitions confondues. En un instant, la décision est prise. Non seulement, on va reparler Premier League mais surtout, se demander si Liverpool-Manchester City n’est pas la plus grande et la plus belle rivalité foot de ces dernières années.

Il y a eu Milan-Juve. Il y a bien sûr, éternellement, Real-Barça. Et puis il y a l’Angleterre… Celle-ci est une île de toutes les tentations et de toutes les rivalités aves 42 derbies londoniens par saison, des haines féroces et une rivalité au-dessus de tout entre Manchester United et Liverpool. Et puis, il y a la quintessence du football de ces dernières années : Liverpool-Manchester City ! Certes, question détestation et ambiance délétère, un Chelsea-Tottenham (presque plus encore qu’Arsenal-Chelsea), NewcastleSunderland ou même un Crystal PalaceBrighton remuent davantage les rancœurs. On peut aussi évoquer Milwall, Wimbledon, les derbies de Birmingham ou de Sheffield pour trouver plus « ugly » et vachard. Et, même pour traduire la rivalité entre les deux grandes villes du nord, l’ancienne (le port de Liverpool !) et la nouvelle (Manchester), le Liverpool-Manchester United la sacralise bien mieux, en opposant les deux clubs les plus titrés du royaume !

Du coup, on a longtemps pensé que City aurait du mal à rentrer dans la danse et la classification des grands rendez-vous d’une saison. Ainsi, le derby de Manchester a son attrait, bien sûr. Mais plutôt frelaté si on le compare à celui de Liverpool. Et cela, même si United ne cesse de chercher le nouveau Guardiola (Rangnick, Ten Hag…) pour prendre sa grande revanche et signer son retour. Pourtant, Manchester City sait de quoi il parle en matière de rendez-vous décisifs. L’an dernier, les deux victoires contre les Gunners ont été essentielles pour conserver son titre devant Arsenal. Et, les dernières années aurait déjà dû nous convaincre d’installer la rivalité de tous les instants avec les Reds parmi les classiques du football continental. Mais, et les adeptes du PSG le savent autant que ceux de City, une rivalité prend du temps pour s’imposer dans les mémoires et les cœurs.

Mais justement, Liverpool FC et Manchester City ont tellement dominé les dernières saisons. C’est bien simple : les six derniers titres de Premier League sont revenus à ces deux clubs. Et si Liverpool ne figure qu’une fois au palmarès, il a bien failli priver Manchester City de deux unités. Après le match de dimanche, Jürgen Klopp pimentait d’ailleurs l’après-match en rappelant que Kompany aurait dû prendre un rouge contre les Reds il y a quelques années. Une saison que Liverpool finit à un point de City! Klopp donnait comme un signal que la rivalité s’est installée. Pour être encore à cran sur un carton rouge de Kompany, il fallait y voir la trace d’une mémoire exacerbée par les grands rendez-vous. À force de considérer qu’il manque un historique saignant entre les deux clubs, en avait-on oublié qu’il s’agit d’un sacré duel sur une durée qui devient certaine ? De fait, et encore plus au vu du superbe match de dimanche, on pourrait même presque affirmer que Liverpool-City est l’une des plus belles rivalités toutes époques confondues. Et peutêtre notamment juste parce qu’il s’agit de la rivalité la plus foot et la plus saine de tous les temps. Si Manchester City est détesté au plus haut point en Angleterre, c’est en effet seulement l’effet de sa richesse exogène venue d’Abu Dhabi. Du coup, si personne n’applaudit certes aux succès des Skyblues, il n’y a guère de fond footballistique et donc guère de haine envers City ! C’est ainsi. Même rivaux au plus haut niveau, Reds et Skyblues sont bien incapables de se détester. Leurs entraîneurs s’admirent même mutuellement. « Klopp me manquera. J’espère qu’il reviendra vite », a déjà commenté Pep Guardiola avec le retrait annoncé de l’Allemand de Liverpool.

Et si City était pourtant le vrai club de la ville de Manchester, quand United draguait loin de la grisaille du nord pour accroître sa popularité mondiale (Asie, Amériques, Afrique…), les supporters de Liverpool n’arrivent pourtant pas vraiment à haïr cet autre club de Manchester, la ville de toutes leurs rancunes. Alors, il fallait quand même quelque chose de profond pour déclencher la naissance d’une grande rivalité. Heureusement, il y eut la 97e minute de cette masterclass. Avec ce penalty non sifflé de Doku à Anfield. Sinon, il y a fort à parier que les commentaires auraient surtout été élogieux sur un match de haut standing, comme même la Ligue des Champions n’en a pas offert un seul lors de cette édition 2023/24 bien pauvre pour l’instant…

Grâce à Doku, on a pu s’offrir l’une de ses polémiques qui font l’attrait des grandes rivalités. Mais quand la désignation de l’arbitre d’un Real-Barça entame déjà la grande polémique permanente entre les deux clubs, il a fallu des circonstances très exceptionnelles pour que Liverpool-City offre enfin son lot de venin. Jürgen Klopp a donc dégainé le premier sur le penalty de Doku. Même si l’arbitrage à l’anglaise peut expliquer cette décision qui, au sud de l’Europe, serait passée pour un laxisme honteux. Heureusement, toute l’Angleterre a embrayé sur la polémique. Ouf ! Ca y est, le duel Liverpool-City pouvait obtenir son certificat de « duel historique ». Et, chose merveilleuse dans ce milieu toujours plus éruptif, il s’agit toujours d’une rivalité saine, qui parle majoritairement de foot, qui offre de super matches, des buts… Avec un gros avantage : Liverpool n’est pas complexé par City comme beaucoup d’équipes anglaises. Les Reds auraient d’ailleurs dû gagner dimanche, tant leur seconde période fut un must d’engagement. Quel match tout de même, malgré l’absence de nombreux titulaires dans l’équipe de Jürgen Klopp.

Vous me direz, pour équilibrer les choses, que Manchester City aurait aussi sans doute dû gagner à l’aller. À l’arrivée, ce match a ravi tous les amateurs de jeu. Mais, parce qu’il ne s’appelle pas Real-Barça ou Liverpool-MU, il aura sûrement encore besoin d’un peu de temps pour atteindre la grande histoire du foot. Mais quel régal, vraiment ! A se demander si, finalement, la nouvelle NBA européenne n’était pas la Premier League, plutôt que la Ligue des Champions, ou même la future Super-Ligue. Et si, avec ce nouveau feuilleton Liverpool Manchester City (sans oublier le leader Arsenal), la Premier League supplantait tout le monde ? Après tout, le refrain Messi-Ronaldo est maintenant achevé en Europe. Et les couplets de la pop anglaise demeurent inégalables…

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