LES GRANDS BLEUS !

Je vous avoue que je me suis un peu moqué du rugby les semaines dernières. Cinq semaines pour éliminer deux équipes sur les dix qui jouent sérieusement au rugby dans le monde, ça faisait long ! Mais ce week-end de quarts de finale a été majestueux et a plus que soutenu la comparaison avec le foot. Sauf quand, dans la défaite, le rugby bleu se met à imiter la mentalité du foot…

Il y a des points communs entre foot et rugby. Notamment quand ça fait mal ! Une balle en touche et un triple coup de sifflet qui retentit. Plus qu’une fin de match, c’est un vide sidéral qui se présente d’un coup sous l’équipe de France de rugby. Elle qui avait si bien fait les choses depuis quatre ans sous Fabien Galthié. On souhaite toujours que l’organisateur aille en demi-finale de son tournoi. Pour l’ambiance, pour que l’équipe locale aille jusqu’à l’avantdernier jour, à minima. Les deux derniers weekends de la Coupe du Monde seront longs… En perdant d’un seul point face au champion du Monde sud-africain, l’équipe de France a donc tout perd d’un coup. Sa Coupe du Monde s’achève en un instant. Enfin, pas tout à fait. Car, depuis vingt minutes, on voyait ces visages livides de Bleus épuisés, dominés et sentant ce match leur glisser entre les doigts. Certes, ils auraient certainement dû compter une avance supérieure à l’heure de jeu. 10 à 12 points d’avance aurait sans doute mieux reflété l’emprise française. Mais il n’est pas bien sûr que cela aurait suffi tant les Sud-Africains ont alors pris le dessus. S’il avait fallu aller chercher un essai de plus, il était à la portée des Springboks.

Evidemment, le recul aide pour faire une telle analyse froide. Surtout quand les épiciers du sport et apprentis arbitres vous expliquent que si Ben O’Keefe avait sanctionné Kolbe sur la transformation de Ramos, la France gagnait d’un point ! Sur une action de la 38e minute… C’est cela oui ! Voilà un vrai point commun entre foot et rugby. Quand la défaite est là et fait mal, il faut trouver un responsable. Les Bleus ayant participé à un grand match contre l’Afsud, il était plus facile de s’en prendre à l’arbitre néo-zélandais de la rencontre. Pour l’anecdote, Ben O’Keefe a été désigné pour arbitrer la demi-finale Angleterre-Afsud demain samedi au Stade France. Preuve qu’il doit connaître un peu les règles du rugby. A la différence de ces suiveurs qui trouvent dans l’arbitrage un moyen d’exhumer leur « seum » et une mauvaise foi très football…

Si on les écoute, la France du rugby a vécu son Séville 82 au Stade de France dimanche dernier. Bien sûr, une ou deux décisions essentielles auraient pu faire tourner le match. Comme toujours en rugby, ce sport où quand l’arbitre siffle, on est bien incapable de dire pour quelle équipe avant de voir le bras du «ref». Et on ne sait même pas quelle faute (parmi tant d’autres) il a bien pu siffler. On a d’ailleurs donné un micro à l’arbitre pour ça. Pour nous aider (et les commentateurs en prime !) à comprendre… Oui, mais Antoine Dupont lui-même a critiqué l’arbitre ! C’est bien la preuve… Assurément, le capitaine français, très marqué et déçu de l’issue, a vécu une frustration totale dans l’échec bleu. Et c’est l’arbitre qui a pris… Cela prouve que le rugby se rapproche du football avec les enjeux qui montent. Toujours plus d’argent, plus d’audience (16,5 M de français devant France-Afsud !), plus d’enjeu et donc plus de tension ! Un engrenage classique bien connu des footeux !

Heureusement, le rugby n’est pas encore le football dans le domaine de l’arbitrage. Sur le terrain, la contestation n’empeste pas et ne casse pas le rythme des matchs comme en foot. Et le cinéma n’est pas de rigueur. On est encore loin de tout cela. Même si le rugby s’en approche doucement… Il faut dire, qu’à la grande différence du football, le rugby ne cesse de faire évoluer les règles. Avec, forcément, plus ou moins de réussite selon les nécessaires évolutions choisies. Surtout, la compréhension n’est pas toujours de mise. Autre point commun spectaculaire entre ces deux sports, ce suspense avéré dès lors qu’on arrive en quart de finale, entre gros ! Les matchs ont tous été ultra serrés. Et voir l’Irlande et la France mettant toutes leurs dernières forces lors de longues actions au-delà du chronomètre, était un grand moment de bravoure. A l’arrivée, comme on pourrait le vivre en foot, trois deuxièmes de groupe sur quatre ont réussi à se qualifier, rehaussant encore le suspense dans ce tournoi devenu haletant sur la fin. Il est même possible que l’idée totalement saugrenue de World Rugby d’effectuer le tirage au sort il y a trois ans (donc avec le classement de l’époque, et avant les qualifications !), nous a permis de vivre quelques quarts de finale fabuleux. Irlande-NZ et France-Afrique du Sud auraient ainsi pu être des demi-finales, sur la logique du rugby actuel ! Mais, sous réserve de demi-finales plus serrées que prévues, les quarts auraient alors eu un parfum de premier tour qui commençait à nous faire sérieusement bailler.

Et il n’est pas impossible qu’on se soit alors tourné vers les matchs de qualif à l’Euro. Pour être honnête, ceux-ci n’ont plus guère de relief depuis que l’Euro est passé à 24. Se qualifier est devenu une balade pour les équipes relevées. Et les Pays-Bas peuvent se permettre de se traîner mollement contre les Bleus (1-2), nous offrant un match digne du premier tour de rugby… Tout simplement parce qu’ils savent que le match important est à venir en Grèce trois jours plus tard. Et la victoire a éclairci la situation. Les « Oranje » devraient voir l’Euro en Allemagne, là où ils gagnèrent leur seul trophée en 1988. Comme l’Italie si elle fait de même en Ukraine lors du dernier match. Il nous aura donc fallu seulement cinq lignes pour évoquer les enjeux restants dans cet Euro 2024 ! C’est dire…

En somme, nos instances dirigeantes ne cessent d’agir sur les formules de jeu du premier tour pour augmenter sans cesse le nombre de matchs. Et sans considération pour les joueurs… Mais le point commun entre rugby et foot, c’est bien qu’il faut attendre la toute fin pour vivre enfin de gros matchs. Les prochains Bleus en action seront donc les footballeurs en juin en Allemagne. Ils auraient tout mérite à être aussi grands que les Bleus du Rugby l’ont été. Mais on leur demandera forcément un autre résultat…

Et pour tous les râleurs qui n’acceptent toujours pas la défaite de nos rugbymen, ils auront beaucoup d’occasions de s’extérioriser lors des Jeux Olympiques l’an prochain. Voilà une multitude de sports inconnus, avec des règles suffisamment incompréhensibles pour permettre de râler et contester avec passion. Car finalement, le plus beau point commun entre foot et rugby est bien cette passion que drainent les matchs à haute tension. Mais pas tous, donc…

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