ROBERT PIRES

Le Deauville Sport Doc Festival est né et bien né la semaine passée. Le documentaire sportif méritait un tel événement à la mesure de son avènement dans les programmes de toutes les chaines et plateformes. Et un invité un peu spécial, l’ancien champion du Monde 1998 Robert Pirès, pour remettre la principale distinction, le Grand Prix Lacoste, au documentaire diffusé sur Canal+ « Plus qu’un jeu », retraçant l’aventure des rugbywomen du Stade Français. Un film sociétal bien dans l’esprit du festival et de notre invité. Mais celui-ci n’a pas éludé nos questions, même quand elles étaient « musclées »…

Bonjour Robert, tout d’abord, pourquoi vous ici à Deauville ?

D’abord parce que j’ai reçu une invitation de Julien Magne, le réalisateur du documentaire que j’ai fait avec Martin Fourcade. Nous avons donc fait une Masterclass avec Olivier Dacourt avant de présenter le film « Face à Face ». Et puis, c’est intéressant de voir un festival, de voir comment un jury (NDLR : présidé par Stéphane Meunier, auteur des « Yeux dans les Bleus ») travaille pour remettre des prix pour des passionnés ayant réalisé des films. Certes, ce n’est pas mon univers mais je trouve cela intéressant.

Les champions font souvent des documentaires pour retracer une carrière ou une saison exceptionnelle. Vous, pas du tout. C’est même un défi, un rôle de composition dans ce documentaire avec Martin Fourcade sur le Biathlon. Rien du footballeur Robert Pirès.

Oui, il faut oublier. Ce n’est pas le footballeur dans sa zone de confort. Ou dans la facilité de l’exercice de son sport. Là, je vais à la rencontre d’un immense athlète, d’un champion, Martin Fourcade. Pour moi, c’était intéressant d’aller voir non pas l’athlète, mais l’homme. Je viens d’un univers qui est un sport collectif. Lui, c’est un sport individuel. La démarche n’est pas la même. Je voulais montrer aux gens que ce n’est pas du tout la même chose, et comment se préparait un athlète comme Martin Fourcade. Il est seul et il faut qu’il pense à tout. Il n’y a personne autour de lui. Certes, il a un entraîneur, mais qui n’est pas toujours là. C’est intéressant qu’un sportif se dévoile et montre comment il construit sa carrière et devient un tel champion. D’ailleurs, cela a été une belle rencontre avec cet athlète d’exception. Merci Martin…

On t’aurait proposé un docu retraçant ta carrière, tu l’aurais fait ?

Bonne question ! Je ne sais pas. Parce que j’ai du mal à parler de moi ou à me dévoiler. Alors, bien sûr, dans le documentaire « Face à Face », je dis certaines choses, et j’avais peut-être besoin aussi de passer des messages. Que les gens du football comprennent comment on arrive au sommet ! En fait, il n’y a pas de secret. Il faut travailler et faire beaucoup de sacrifices. Si on me proposait un doc sur moi, peut-être que j’accepterais finalement. Pour envoyer un message à la nouvelle génération en leur disant les choses à faire et celles à ne pas faire. Les mettre un peu en garde et les aider à arriver au sommet. Ce serait ça, l’objectif !

À vrai dire, il y a eu un documentaire où tu figures en bonne place : « Les Yeux dans les Bleus » de Stéphane Meunier en 1998.

Oui, bien sûr. Je m’en souviens très bien d’ailleurs. Au départ, nous étions plutôt réticents dans le groupe France. Nous filmer pendant toute la Coupe du Monde 1998 était un sacré défi. Mais Aimé Jacquet nous a convaincus que cela pouvait être extraordinaire d’avoir ce souvenir unique pour nous. Et puis, on s’est habitués à Stéphane Meunier. C’était incroyable, il était partout. Pas toujours à filmer, d’ailleurs. Petit à petit, il est rentré dans le groupe, il était habillé comme nous, il vivait avec nous.

Et le « muscle ton jeu » d’Aimé Jacquet ?

(Rires). Oui, bien sûr, tout le monde a retenu cette scène dans le vestiaire à Clairefontaine (NDLR : Aimé Jacquet interpelle Robert Pirès, en lui disant : « Robert, tu es trop gentil. Je te préviens : muscle ton jeu, Robert ! Sinon tu vas au-devant de grandes déconvenues »). Je ne sais pas pourquoi Stéphane a sélectionné ce moment, juste sur moi. D’autres ont pris des remarques aussi… Et c’est vrai que cette phrase m’a poursuivi ensuite, partout où je suis passé. On me la ressortait régulièrement. Mais vous avez remarqué que je n’ai rien modifié à mon jeu. Je suis resté le même. Et sans « muscler mon jeu », j’ai fait une belle carrière partout, notamment en Angleterre à Arsenal. Finalement, cela a été une certaine fierté pour moi de réussir en étant moi-même…

Je me trompe ou Robert Pirès n’a jamais fait de jubilé, ni même annoncé sa retraite ?

Non, vous ne vous trompez pas ! Je n’ai jamais annoncé ma retraite. J’ai 50 ans et je ne le ferai pas. Bon, je sais pertinemment que je ne jouerai plus au foot de haut niveau, bien sûr. En fait, j’aime trop le football. Et j’ai l’impression que si j’annonçais la fin, ce serait un coup d’arrêt difficile à encaisser pour moi. Aujourd’hui, j’ai la chance d’être sollicité, de jouer des matches pour l’UNICEF, le Variétés Club de France, pour l’UEFA ou les Arsenal Legends… Donc ça me permet de continuer à faire ce que j’aime et ce que je fais depuis mes 7 ans : jouer au football !

Lors de la table ronde, vous étiez avec Olivier Dacourt qui a, lui, fait un documentaire sur « Le crépuscule des Champions ». Vous avez ressenti ce qu’il dit sur la « petite mort » que représente la retraite du haut niveau ?

Oui. Olivier a raison. D’abord, je le félicite pour les documentaires qu’il a réalisé. C’est très fort. Et c’est vrai que l’après-football est dur. En fait, on n’est pas prêt. On sait qu’il y a une date butoir, et qu’elle va forcément arriver. Mais on n’est jamais prêt ! Et on ne sait pas quand elle va arriver. C’est d’ailleurs pour cela que, sur un plan personnel, j’ai tout fait pour la repousser au plus loin. J’ai joué jusqu’au maximum de ce que je pouvais faire. La preuve, j’ai même été joué en Inde ! Une belle expérience. Mais, même en allant aussi loin, on n’est pas préparé. Après le football, je suis entré dans une minidépression. Parce que je n’étais ni prêt, ni armé. La chance que j’ai eu, ce sont les sollicitations des médias. Bein Sport d’abord. Et depuis 2012, je suis dans les médias et donc dans le foot, toujours.

C’est votre métier principal ?

Oui, tout à fait. Désormais, je suis à Canal+. Surtout sur le foot anglais, mais aussi sur la Champions League de temps en temps. Et j’aime ça… Ca me permet d’être toujours dans le foot, de regarder encore des matches. D’aller dans les stades aussi. Dernièrement, j’étais à l’Etihad Stadium pour Manchester City-Arsenal en Premier League. Des grands moments de foot. J’adorerai toujours le foot anglais…

Le football ne sera jamais mort chez vous ?

Non, jamais. J’aime trop ça. D’ailleurs, je commence à passer mes diplômes de coach, parallèlement. C’est venu tard, mais j’ai envie. J’aime trop ce sport. Je revois souvent des anciens footeux, je joue avec des acteurs, des chanteurs, des humoristes…

Dès que vous pouvez dire oui au foot…

Vous avez tout compris ! Je ne refuse jamais un match. Et notamment pour une bonne cause. On a une image, un devoir aussi. Surtout par rapport à ce que le football apporte, qu’il soit amateur ou professionnel, aux gens. Alors, oui, du coup, je reçois beaucoup de demandes pour jouer. Je ne peux pas toujours accepter, naturellement. Mais, la plupart du temps, c’est oui….

Salut Robert, à bientôt dans le foot, donc…

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