Un rendez-vous électrique, chargé de passion, de rivalité, de mémoire. Mais cette année, il a quelque chose de plus. Un goût d’urgence. Un parfum de bascule.
Car au-delà de la suprématie régionale, c’est un enjeu sportif immense qui s’invite dans ce choc. Lyon, revenu de très loin, rêve encore de Ligue des Champions. Et Saint-Étienne, empêtré dans le bas de tableau, lutte pour sa survie. Chacun a besoin de gagner. Pour sauver la face, oui. Mais surtout pour avancer vers ses objectifs. Ce n’est plus seulement une question d’honneur. C’est une nécessité vitale.
L’OL a retrouvé de la lumière ces dernières semaines. Porté par une attaque retrouvée, un collectif plus soudé et une ambition renouvelée, Lyon s’est remis à croire. Les places européennes sont là, à portée. Et même la Ligue des Champions, impensable il y a encore deux mois, est redevenue un objectif crédible. Mais dans cette course effrénée, chaque point compte. Et un faux pas dans le Chaudron, ce serait bien plus qu’un accroc : ce serait un coup d’arrêt.
Car un derby, ça marque les esprits. Gagner à Geoffroy-Guichard, dans ce chaudron où la haine de l’OL est presque institutionnelle, c’est envoyer un message fort à tout le championnat. Mais c’est aussi prendre un risque énorme. Parce que si Lyon adore avoir le ballon, Saint-Étienne, lui, adore casser le rythme. Rendre le match sale. Physique. Fou.
Et ce genre de match, c’est souvent celui qui échappe aux pronostics.
De son côté, Sainté joue gros. Très gros. En danger, en difficulté, mais encore vivant, le club vert sait que le maintien passe aussi par ce genre d’exploit. Parce que battre Lyon, ce serait bien plus qu’un soulagement comptable. Ce serait une étincelle. Un tournant. Une source d’espoir à rallumer dans tout un peuple.
Les Stéphanois ne sont pas les plus talentueux. Mais ils savent se battre. Et contre Brest, la semaine dernière, ils ont montré qu’ils avaient encore du feu dans les jambes et dans le cœur. Leur capacité à revenir trois fois au score dit quelque chose : cette équipe n’est pas morte. Elle ne lâchera rien. Et elle sait que dimanche, devant ses supporters, elle joue une partie de son avenir.
Le Chaudron sera brûlant. Le match sera tendu. Nerveux. Chaque ballon, chaque contact, chaque regard échauffera un peu plus l’atmosphère.
LE GOLDEN BOY
Et si ce derby basculait sur un éclair de génie ? Si la différence se faisait dans les pieds d’un seul homme ? Parce qu’aujourd’hui, du côté de Lyon, Rayan Cherki est clairement l’arme numéro un. Et c’est peut-être ce qui rend cette équipe aussi dangereuse, aussi imprévisible.
Longtemps critiqué pour son irrégularité, son jeu trop personnel, ses choix discutables, le meneur de jeu lyonnais semble avoir trouvé un nouvel équilibre. Depuis plusieurs semaines, Lyon a recentré son jeu autour de lui. Et, pour l’instant, ça fonctionne. Cherki a le feu sacré dans les jambes. Il ne touche plus le ballon pour briller, il le touche pour faire mal. Il ne dribble plus pour s’amuser, il dribble pour casser des lignes. Il ne joue plus pour lui, il joue pour l’équipe.
Son volume de jeu reste perfectible, son implication défensive fluctuante, et on sait que le génie peut parfois s’effacer aussi vite qu’il est apparu. Mais aujourd’hui, Cherki est au sommet de sa forme. Dans ses passes, dans ses courses, dans ses frappes. Chirurgical. Décisif. Inspiré. Il fait tourner la tête des défenses et allume les yeux de ses supporters. Et quand on le voit combiner avec un Lacazette de retour en pleine bourre, on comprend vite pourquoi les supporters stéphanois ont de quoi serrer les dents.
Parce que ce duo-là, dans un match tendu, dans un contexte brûlant, peut tuer en quelques secondes. Il suffit d’un appel, d’un petit espace, d’une mauvaise relance, et c’est punition immédiate. Ajoutez à cela un Tolisso qui, quand il retrouve son niveau international, fait l’équilibre parfait entre impact et justesse, et vous avez une équipe lyonnaise armée pour faire très mal à la moindre faille. Oui, défensivement, l’OL reste prenable. Il y a des espaces, des hésitations, et une fébrilité qui n’a pas totalement disparu. Mais pour que Saint-Étienne puisse en profiter, il faudra d’abord ne pas se faire marcher dessus par un Cherki en feu. Il faudra contenir le maestro. Fermer les angles. Éteindre l’étincelle avant qu’elle ne devienne incendie.
Et ça, peu d’équipes y parviennent en ce moment.
Ce derby sera une guerre de nerfs, une guerre d’impact… mais peut-être aussi une guerre de talent. Et à l’heure actuelle, le talent le plus incandescent des deux camps porte le numéro 18 lyonnais.
UN MATCH A PART
Mais voilà. Un derby, ce n’est jamais un match comme les autres. Et si Lyon a la forme, le talent, les individualités… Saint-Étienne, lui, a le contexte. La fureur. La foi.
Parce que dans un derby, les écarts de niveau s’effacent souvent sous le poids de la motivation. On l’a vu des dizaines de fois : l’équipe la plus en souffrance sur le papier devient, pendant 90 minutes, une bête blessée qui ne calcule plus rien. Les Verts savent se battre. Pas toujours avec ordre, pas toujours avec cohésion, mais avec cette rage dans les yeux qui peut tout emporter. Et ça, dans un match aussi symbolique, ça vaut bien plus qu’une belle possession ou un pressing bien huilé.
Il y a dans cette équipe stéphanoise des joueurs capables d’allumer une étincelle. Dans le marasme ambiant, Cardona surnage. Toujours capable d’un exploit, d’une frappe venue d’ailleurs. Et Davitashvili, dans un bon jour, peut transformer un ballon anodin en véritable danger. Ce sont ces joueurs-là qui doivent porter l’espoir. Qui doivent, au moindre espace, punir une défense lyonnaise encore friable.
Il ne faudra pas grand-chose. Ou plutôt, il faudra que tout s’aligne. La réussite, l’efficacité, la lucidité dans les moments clés. Il faudra marquer à la moindre occasion, ne pas gâcher le peu de munitions que laissera Lyon. Il faudra tenir, recoller, résister. Y croire, ensemble.
Et puis, un derby reste un derby. Tout est possible, surtout quand l’orgueil, la fierté, et parfois même la survie sont en jeu. Lyon a son talisman, son feu-follet, son Cherki qui illumine les matchs. Mais les Verts ont une furieuse envie collective. Une envie de prouver que ce combat-là, ils ne le perdront pas sans lutter jusqu’au bout.
Ce n’est pas seulement un match. C’est une lutte des classes. Et dans ce genre de bataille, il n’y a pas toujours de logique. Seulement un vainqueur.