Saison Rétro : LE GRAND FOOTBALL CIRCUS

Et si la saison 2022/23 avait marqué un grand tournant dans l’histoire du football de clubs en Europe ? La semaine prochaine, on s’envolera pour l’Arabie Saoudite pour mieux comprendre ce que pourrait devenir le football de demain. Mais cela n’empêche pas de se pencher sur les délires européens actuels, du PSG à Chelsea en passant par Newcastle, le Barça ou Manchester City, de manière à, peut-être (mais pas bien sûr), mieux comprendre la punition qui nous attend ensuite…

Et, au milieu, vit le Bayern ! Le grand club allemand a, encore, comme durant les années Covid, présenté un bénéfice à la fin de la saison. Comme chaque année depuis 1986… Les propriétaires du club bavarois demeurant allemands, comme la loi du sport l’exige outreRhin ! Comment fait donc le Bayern pour survivre dans un monde en délire où tous les déficits sont permis à des actionnaires devenus hystériques ? Comment fait-il pour demeurer même compétitif au même titre que les plus grands « dépensiers » du monde ? Je sais que des « titrologues » en chef vous diront que le Bayern n’est tout de même plus vainqueur de la C1 aussi souvent qu’avant. Alors que c’est notre couvre-chef que nous devrions ôter pour admirer ces Allemands inoxydables qui tiennent toujours les premières places sans recourir à l’argent du pétrole, du gaz, ou des fonds de pension américains ou exotiques ! Certes, le Bayern a eu, pendant cinq ans, un contrat de sponsoring avec Qatar Airways. Mais il a aussi une opinion publique qui avait largement pointé du doigt ce contrat lors des débats sur le Qatar et la Coupe du Monde. En conséquence de quoi, ce contrat ne sera pas prolongé en 2023. Surtout, comment comparer avec les véritables « pompes à fric » l’entourant? Depuis une dizaine d’années, le football mondial vit au rythme de douze mastodontes qui dépassent les 400 Millions de chiffre d’affaires (CA). Notez bien que certains clubs de ce groupe affichent le double ! Mais c’est surtout l’écart avec le reste des clubs qui émeut… Si Dortmund est un peu intermédiaire, on glisse vite vers les clubs milanais, les seconds couteaux anglais (après le Big 6 !) et, finalement, les malheureux adversaires du Paris SG. Evidemment, avec un cinquième de la masse salariale du PSG pour les plus gros, il n’est guère aisé d’obtenir un titre en France. Sauf à risquer sa vie financière comme l’a fait le LOSC il y a deux ans. Tout près de la cessation de paiement au départ de son Président Gérard Lopez à noël, champion au printemps !

Dans ce monde de fous, ils sont donc douze à pouvoir exister en très haute altitude, sur le sommet de la Ligue des Champions. Mais il faut être dans les huit premiers pour espérer gagner au vu de ces 20 dernières années. La dernière couronne à leur avoir échapper ? 2003-2004 avec la victoire du Porto de Jose Mourinho. L’année de toutes les surprises avec les éliminations du Real par Monaco, de Milan par La Corogne et Manchester United par Porto. Que cela paraît loin aujourd’hui ! Et pour cause. C’était avant que les écarts ne se creusent définitivement… Certes, il y aussi eu l’Inter 2010, mais la famille Moratti avait poussé ses derniers feux et mis les moyens pour Jose. Malgré tout, on a, de temps à autre, des raisons de se réjouir. En 2022/23, Bruges, Benfica ou les Italiens ont quelque peu brillé ? L’effet Coupe du Monde ? En tout cas, l’Inter Milan a ainsi atteint la finale de la C1 cette saison. Mais beaucoup par la grâce d’un tirage au sort qui lui a évité les gros poissons, qui se sont mangés entre eux. Un PSG atone a ainsi subi le Bayern. Qui, lui-même, a pêché en efficacité pour résister à Manchester City. Et, enfin, celui-ci a eu la rigueur et la réussite qui lui avait manqué un an avant contre le Real. Et, au final, rassurez-vous, le dernier mot est bien resté aux « nouveaux monstres », ceux qui gagnent tout depuis 2007…

Comme un symbole de notre époque, 2023 a couronné Manchester City qui a, enfin, accédé au titre suprême des clubs, la Ligue des Champions. On savait que cela devait arriver, tant City travaillait bien depuis des années avec une série inouïe de cinq titres en six ans sous Pep Guardiola.

Comme cela arrivera au PSG, s’il reprend le football… Même si le football n’est pas une science aussi exacte que l’économie, les montants et investissements sont devenus tels qu’ils sont trop lourds pour des clubs classiques. Par contre, ils sont à la portée de tout Etat cherchant à développer une image (et n’ayant pas une opinion publique trop perturbante), de milliardaires (illuminés ou inspirés) ou de fonds de pension (croyant au prix de sortie sur le modèle Glazer à MU).

De sorte que l’on n’en est plus à un caricatural combat entre riches et pauvres. Tant la C1 se résument aux très riches et riches (le second rang avec les Italiens, par exemple). Et, à l’intérieur de cette catégorie, la victoire de City ouvre un nouveau combat. Le deuxième club de Manchester est, en effet, le premier nouveau vainqueur de la C1 depuis….Dortmund 1997 ! Cette victoire ouvre donc un nouveau pugilat entre les grands clubs classiques et les clubs «marvel». Ce combat tourne mal pour les classiques quand la Juve et le Barça sont poussés à des manoeuvres financières des plus douteuses pour suivre le rythme. Et subir les invectives outrées de ceux qui soutiennent que les abus des riches propriétaires dérangent curieusement moins.

Même le grand Real Madrid est en souffrance. Pour financer une rénovation de 600 Millions de l’Estadio Santiago Bernabeu, il a fallu faire bien des sacrifices pour celui qui demeure un club appartenant à ses « socios ». Ce qui, à notre époque, et dans le contexte délirant actuel, ne manque pas de sel. Bien sûr, cela ne signifie nullement que Real ou Barça (deux « associations » !) soient de gentils bisounours livrés aux mains de grands despotes de la finance internationale. Mais cela explique qu’ils soient poussés dans leurs retranchements quant à imaginer des solutions financières extrêmes pour rester en haut… Car les adversaires sont d’une taille sans précédent et… sans limite. Manchester City a construit une équipe à 2 milliards d’euros…sans compter les salaires ! Le PSG a construit une sorte de Disneyland qui peut impressionner sur le plan marketing plus que sur un aspect sportif boiteux. Mais il parvient à attirer de grands noms comme Messi, Neymar, Ramos ou Mbappé à grands flots de gaz qatariens. Et la curée est loin d’être finie. L’Arabie Saoudite a mesuré son retard diplomatico-sportif sur le Qatar et a choisi Newcastle pour activer aussi la pompe. Reconnaissons au moins une certaine cohérence au projet « Magpies ». Certes, le chéquier est ouvert. Mais au service d’une ambition sportive construite autour d’un jeune entraîneur anglais (Eddie Howe) et de joueurs souvent en devenir. Et 2022/23 les a déjà vus atteindre la C1…

Et il n’y a pas que les robinets de pétrole ou de gaz qui injectent de l’argent dans les hautes sphères du foot mondial. Le fonds américain de Todd Boelhy a passé la surmultipliée pour fêter son arrivée à Chelsea. En quelques mois, il a réussi à faire un bon tiers des ravages de Roman Abramovitch sur le marché des transferts en 19 ans de règne. Plus de 600 Millions d’Euros y sont passés pour recruter Wesley Fofana, Enzo Fernandez, Mudryk, Cucurella, Koulibaly ou Sterling. En plus de virer Thomas Tuchel et son successeur Graham Potter et finir avec l’intérimaire Frank Lampard à la 12e place de la Premier League. Du grand art, du grand football de demain.

L’exemple de la réussite de City, pourtant longtemps moquée, pourrait même pousser certains clubs à hausser encore le niveau du délire. Notamment avec la multipropriété de clubs. Pourtant, si on doit reconnaître une cohérence à City, elle s’applique d’abord au projet Soriano-Beguiristain-Guardiola à Manchester, bien plus qu’à la multipropriété. Difficile d’établir ce que City cherche à y démontrer sportivement. La descente de l’ESTAC (Troyes) en Ligue 2 n’a ainsi ému personne dans les bureaux de City Group à Manchester ou à Londres.

Et voilà que Chelsea y plonge goulument en reprenant le RC Strasbourg. Tandis que l’UEFA accepte tous les clubs européens de la même famille (dont Toulouse apparenté au Milan AC, via RedBird) sans y prendre trop garde. Comme si tout cela était déjà fatal et acquis ! A un certain stade, ce ne sera pas seulement le navire de proue qui fêtera la Ligue des Champions. Mais la « filiale » sera elle-même lauréate en Europa League ou Conférence League. Avec des jeunes joueurs achetés pour le club phare, mais prêtés…

Après cette saison dingo 2022/23, quelle sera l’étape suivante à franchir dès 2023/24 ? On pourrait voir le FPF (fair-play financier) s’enfoncer un peu plus. Après tout, les années Covid ont amené toujours plus de laxisme du côté de l’UEFA. Il ne faut surtout pas décevoir soutiens et amis. Le PSG a ainsi accumulé, en trois ans, dix fois plus que les plafonds de déficit toléré. Pour une vague amende de 10 millions d’Euros… Là encore, le laisser-aller est flagrant. Pas facile pour les organisateurs de renoncer à cet argent frais venu de loin. Cela reviendrait, en plus, à restreindre le pouvoir sportif à quelques clubs classiques et amoindrirait la concurrence. Alors, tant pis si celle-ci est bien frelatée, et laissons voguer le navire football. L’année prochaine sera donc encore plus « sauvage », à l’image du mercato en marche. Et on verra bien quand on aura été trop loin… et que le bateau s’échouera finalement…

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