VIVA VILLA !

L’Europe des championnats est décidément bien plus intéressante que le premier tour moribond de Ligue des Champions. Tandis que les gros ont mis la vitesse de croisière en Europe (mis à part MU et PSG qui ont peiné), ils laissent la vedette à quelques « petits révoltés » sur le plan local. Girona, Leverkusen, Stuttgart, voire Nice rendent leur championnat plus attractif. Et mention spéciale au Aston Villa d’Unaï Emery…

Battre dans la même semaine Manchester City et Arsenal permet de marquer son territoire. Et si le score fut à chaque fois 1-0, la manière a largement différé. Supérieur à un Manchester City emprunté, Villa a marqué vite contre Arsenal avant de subir terriblement le reste du match. Comme un petit accroché à sa surprise en Cup… Mais, loin de nuancer la performance des Villans, cette double identité la renforce au contraire. Elle montre que Villa est armé pour de sacrées conquêtes, quand il faut savoir tout faire. Créer la tempête, comme la subir… Alors, certes, Aston Villa n’est « que » troisième de Premier League. Quand le Bayer Leverkusen et Girona mènent carrément leurs « Ligas » respectives. Mais le parcours d’Aston Villa, dans le plus difficile championnat du monde, est une bouffée d’oxygène encore plus grande. Ici, l’ingrédient recherché n’est pas seulement l’effet de surprise. Même si l’incertitude est un critère important, à preuve l’exemple contraire sur la Ligue des Champions où, sur 6 matches et avec des écarts de budget conséquents, la surprise est denrée rare.

Donc oui, trouver Girona plus haut que le Real, l’Atletico et venir battre le grand voisin catalan barcelonais est une divine (et très inhabituelle) surprise. Cela nous remémore des années lointaines où la Real Sociedad, l’Athletic Bilbao, le Deportivo La Corogne ou Valence pouvaient être champions. Et cela fait grand bien dans un environnement où seul le gigantisme (budget, mercato, sélection mondiale) fait fantasmer les fans de foot. Quand Manchester United ou Lyon chutent dangereusement, la seule chose qui intéresse (à part virer l’entraîneur…), c’est le mercato d’hiver qui va « tout changer ». Mais travailler à la régulière, améliorer l’équipe en remettant d’aplomb de bons joueurs devenus «chèvres» en quinze jours ? Dépassé. Point de salut sans Saint Mercato ! Or, il y a évidemment d’autres méthodes. Et elles sont là, juste devant nos yeux. Xabi Alonso, Emery… Non que le Bayer Leverkusen ou Aston Villa soient des clubs « sans abri ». Ils ont tous deux des moyens et de bons joueurs. Avec son budget aux alentours de 250 Millions d’Euros, Villa serait en course pour la deuxième place en France, Allemagne ou Italie. Et son effectif, certes boosté par l’effet marché anglais, est estimé à 630 Millions par TransfertMarkt. Mais rien de comparable avec les six plus gros budgets de Premier League qui sont entre 2 et 3 fois supérieurs. De là à espérer rééditer le coup du siècle de Leicester…

Ce qui est passionnant, c’est de voir une équipe évoluer, progresser. Et c’est ce que réussit à faire Unaï Emery depuis sa prise de fonction. Tel joueur qui paraissait moyen dans un contexte devient alors un sacré gaillard. Dans le genre, le capitaine John McGinn est un fameux exemple. Déboulé en Championship au club il y a cinq ans, il paraît aujourd’hui comme un milieu infatigable et indestructible. Si le garçon a toujours montré de l’ardeur au travail, son pied gauche et son QI foot a considérablement augmenté. Et ça, ça n’est pas donné à tout le monde. Il faut avoir un entraîneur qui sait faire progresser les joueurs. Et savoir jauger leur potentiel…

Le basque Unaï Emery a, indiscutablement, cette faculté qui lui a permis de faire monter bien haut des Séville, Villarreal et maintenant Aston Villa. Un entraîneur de clubs moyens ? Si vous avez cru le déceler dans mes propos, je corrige immédiatement. J’ai été de ceux qui ont beaucoup critiqué Emery lors de son passage à Paris. Mais sûrement pas sur ses qualités. Jamais je ne me suis mêlé à ceux qui pensent que l’OM avait recruté un entraîneur de DH avec Marcelino cette saison. Vade retro…

Par contre, j’ai détesté voir Emery se liquéfier dès les premières pressions du mois de septembre au PSG. Le voir abdiquer sur ses idées fait écho à ce que vit Luis Enrique aujourd’hui. Ce dernier passe peut-être pour un prétentieux donneur de leçon, et têtu dans ses idées. On va peut-être lui reprocher d’avoir joué à quatre devant au départ, puis de placer Mbappé avant-centre et encore une autre idée demain. C’est le lot des entraîneurs dans les grands clubs. Ils sont sans cesse épiés et la moindre modification tactique à 3-0 à la 80’ devient une affaire d’état. Mais, au moins, Luis Enrique reste droit dans ses bottes. Et s’il meurt, ce sera avec ses idées et pas pour celle d’un intrigant de l’entourage des dirigeants ou celle de supporters à géométrie variable. Or, Emery avait totalement lâché à Paris. Il n’avait pas su être ce « Ministre des Sports » comme l’a si bien décrit Tuchel après son départ. Cette dimension politique avait manqué à Unaï Emery dans un club, il est vrai, très particulier. Mais cela avait contribué à le rapetisser dans le vestiaire parisien. A en faire toujours le petit rabat-joie jamais content. Il n’avait pas su s’élever et prendre toute sa place dans un club qui en laisse peu aux entraîneurs.

En voyant son Aston Villa toujours cohérent, je me réjouis de voir un entraîneur s’exprimer à son meilleur. Et je n’ai toujours pas de certitude sur le jour où le Basque retrouvera un banc prestigieux. Aura-t-il alors franchi un cap ? Saura t’il gérer un vestiaire sous influence et ouvert aux vents contraires ? Rien ne le garantit. Mais tout montre que, techniquement, cet entraîneur sait faire. Face à City et Arsenal, il a fait des choix prudents mais forts. Pas de Diaby au coup d’envoi, mais plutôt Tielemans en plus de la paire de travailleurs Douglas LuizKamara. Plutôt Konsa, vrai défenseur, que Matty Cash, face à Foden, puis Martinelli. Surtout, en alignant deux fois la même équipe, elle a pu s’adapter à deux matches totalement différents. Contre City, son équipe a su broyer un adversaire à la peine (et sur le reculoir) et marquer sur la fin. Contre Arsenal, les Villains ont marqué très tôt avant de souffrir physiquement et techniquement contre des Gunners autrement inspirés. Mais ça aussi, l’équipe de Villa (bien aidé par un très bon Martinez dans les buts) a su faire. On se demande si le Bayer Leverkusen ne pourrait pas devancer un Bayern inconstant sur l’ensemble de la saison. Mais je vois trop peu de monde penser que le club de Birmingham pourrait gêner les gros jusqu’au bout. Une place en Ligue des Champions me paraît objectivement abordable même si la concurrence est âpre. A preuve, Manchester City n’est plus que quatrième… De même qu’un nouveau triomphe européen pour Emery. Mais en Europa League Conference cette fois…

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