Il y a des semaines qui font réfléchir au football en général, et au nôtre en particulier. La fête du Boxing Day en fait naturellement partie. Il était moins attendu que ce soit la semaine précédente qui nous fasse réfléchir. Mais un voyage à Brighton pour voir l’OM se faire tourner autour. Et un autre à l’Emirates pour voir, cette fois, Brighton se faire marcher dessus par Arsenal, cela interroge forcément.
Cela rappelle les tournois de tennis. Une fois qu’on a vu un Musetti faire admirer son superbe tennis sur un joueur plus quelconque, on se met à imaginer qu’il puisse poser des problèmes à Djokovic au tour suivant. Trois petits sets plus tard, on mesure la différence… C’est exactement le vécu de cette semaine européenne. Sur sa qualité de jeu, le Brighton de Roberto de Zerbi était très au-dessus de l’OM de Gattuso. Maîtrise totale de ses volontés et styles de jeu. En face, l’OM a joué comme il sait le faire. Avec envie, à défaut d’ambition, mais le nul suffisait, il est vrai, à son bonheur d’être premier de ce groupe. La différence était patente, même si le football a cette particularité de pouvoir maintenir l’équilibre dans un tel match jusqu’à la 89e minute (1-0). Mais le dimanche suivant, c’est Brighton qui se faisait littéralement avaler par un Arsenal plein d’énergie et d’allant à l’Emirates. Même si De Zerbi avait fait le choix des vieux expérimentés (Milner, Gross, Veltman…), on ne parierait surtout pas qu’il ait accepté de subir ainsi. Ca ne correspond pas à la philosophie profonde de l’entraîneur italien. Simplement, chaque match est différent et il y a un adversaire qui n’est pas là pour vous laisser faire le match que vous souhaitez. Et quel adversaire…
Les Gunners arrivent au boxing day en tête de Premier League comme l’an dernier et cela est bien légitime. Manchester City a été longtemps leader, mais on sentait bien comme un tout petit début de lassitude. Attention, avoir été champion d’Angleterre cinq fois en six ans était un exploit déjà tout à fait incroyable. Certes, il y a l’argent… Mais afficher une telle régularité, une telle volonté d’imposer son football sur une telle durée, ça ne s’achète pas. Alors, on ne doit pas se montrer surpris d’arriver à un moment où un certain confort peut nuire aux résultats des Citizens. Sans avoir la certitude qu’ils ne vont pas encore nous faire un réveil tonitruant en deuxième partie de saison… Liverpool FC a aussi mené la troupe pendant un temps récent. Sans briller outre mesure cette saison, mais avec une application et une constance admirables après une saison ratée (5e en 2022/23…). Mais on n’a pas vraiment été surpris de leur prestation insuffisante face à Manchester United (0-0) dans « The match » historique en Angleterre ! Si le milieu de terrain a été plutôt habilement renouvelé cette saison, l’absence de Mc Allister et un Szloboszlai pas dans son assiette n’ont pas permis d’assurer la créativité nécessaire face à un adversaire peureux et recroquevillé. Liverpool ne fait pas dans la facilité cette saison.
Toutes ces équipes de tête émettent donc des signaux contrastés. Ou quelques limites, comme Aston Villa ou Tottenham. Sauf Arsenal… La démonstration face à Brighton a été enthousiasmante. Du jeu en permanence, de l’allant, de la créativité. Un milieu en projection constante avec un Declan Rice époustouflant et un Odegaard étincelant. Les trois de devant auraient pu faire mieux, notamment Saka at Martinelli, mais ils représentent un danger constant. Des réserves ? Sur l’efficacité, oui, puisqu’il a fallu un long moment avant que les Gunners ne fassent plier Brighton. Mais un peu moins que les Seagulls face à l’OM.
Mais il y avait la même différence dans le jeu entre jeudi et dimanche. Et il est toujours frappant de voir le dominateur de jeudi se faire marcher dessus le dimanche suivant. Ce contraste renforce encore plus la performance d’Arsenal. Ceux qui se posent la question, légitime, de savoir si les Gunners craqueront un tant soit peu dans la dernière ligne droite comme l’an dernier, doivent prendre en compte la progression constante de l’équipe londonienne. Le jeu de l’équipe de Mikel Arteta est toujours aussi enthousiasmant. Mais il est surtout bien plus maîtrisé. Le plus représenté par Declan Rice au milieu est évident. De même qu’un effectif toujours plus complet qui permet d’envisager toutes les échéances avec confiance. Même la Ligue des Champions ? On a toujours tendance au conservatisme au football. Et donc à avoir du mal à considérer que, dès son retour en Ligue des Champions, Arsenal puisse jouer un grand rôle parmi les cadors de ce temps. Mais les prestations des Gunners les situent résolument au plus haut niveau depuis un an et demi. C’est ce capital qui donne autant d’assurance aux Gunners. De celle qui fait autorité et donne la confiance nécessaire pour aller au bout d’un printemps européen. Si Arsenal n’est pas un favori historique, il est dans les tout meilleurs en termes de jeu. Et ça aide…
Au reste, le jeu est aussi l’un des sujets d’interrogation de cette semaine pré-boxing day. Bien sûr, on ne va comparer, en la matière, nos clubs français à Arsenal. Ce serait cruel. Mais la leçon de jeu de Brighton face à l’OM n’a pas été isolée. Si nos clubs ont tenu la route tout au long de ce premier tour européen (6 sur 6 qualifiés pour le printemps !), la manière questionne souvent. Face aux équipes qui pensent d’abord à jouer, nos clubs sont systématiquement en difficulté. Si les résultats peuvent être quasi-équilibrés (Lens-Séville, Rennes-Villarreal, Brighton-OM), le contraste dans le jeu est violent. Et explique sans doute nos difficultés à aller plus haut.
Trois de nos clubs n’ont ainsi pas passés les barrages d’Europa League l’an dernier. Quatre seront en piste en février ! En espérant de meilleurs résultats et plus de jeu. En fait, tout se passe comme si le football français générait d’excellents joueurs, bien formés et capables de s’adapter superbement à tous les footballs (Allemagne, Espagne, Italie, Angleterre…). Mais alors, en termes de jeu, la pauvreté de nos clubs est largement partagée. Comme si toute l’Europe s’était mise au foot d’aujourd’hui. Et que la France du foot en était encore à penser petit bras. Ca ne freine pas trop nos élans en phase qualificative où nos clubs sont de plus en plus réguliers et tiennent leur rang. Depuis trois ans, tous les clubs de niveau C3 et C4 ont franchi la phase qualificative. A l’heure où la France s’interroge sur sa Ligue 1 et sa valeur, il serait peut-être bon de faire un point sur le jeu développé en France. Comme l’Angleterre (à la naissance de la Premier League en 1992) et l’Allemagne (après l’Euro 2000) avaient su le faire. Quand on voit les joueurs français se développer aussi bien à l’étranger, il y a de quoi s’interroger sur notre capacité à créer des modèles de jeu aptes à faire progresser les joueurs et le jeu à l’intérieur des championnats français. Heureusement, on peut regarder Arsenal chaque week-end à la télé. Et même pendant les fêtes. Mais ça ne peut évidemment pas être l’objectif d’un pays multi-finaliste de la Coupe du Monde depuis 25 ans… Mais bien incapable d’un printemps européen équivalent pour nos clubs.