Interview de Marc Maury

Marc Maury, présentateur et animateur de légende des tournois de tennis les plus prestigieux, se livre cette semaine dans WEEKEND SPORTS, pour nous raconter ses débuts ainsi que des anecdotes croustillantes.

Marc, je vais revenir avec toi sur comment tout ça s’est créé. Est-ce que tu peux m’expliquer comment c’est venu ?

Le tennis était au départ médiatisé par la presse, donc les joueurs avaient surtout en face d’eux les médias et très peu de relations directes avec le public. Dans les stades, il se passait deux ou trois choses, mais c’était l’arbitre qui présentait les joueurs, il y avait très peu de présentateurs pour le public lui-même. En 1993, l’ATP a voulu changer le format parce qu’ils avaient l’impression que des gens comme Becker, étaient un petit peu trop loin du public, Ils ont dit on va changer, on va révolutionner, essayer de tendre vers quelque chose de plus jeune, mettre de la musique pour l’entrée des joueurs, et aller les interviewer à la fin du match sur le court, afin que le public puisse entendre leurs voix et qu’ils puissent s’exprimer directement. Gilles Moretton, le président actuel de la fédération, qui était l’organisateur du Grand Prix de tennis de Lyon. On se faisait des échanges assez réguliers et au bout d’un moment il m’a dit effectivement, ça marche, on essaye ça. On l’a testé et on a fait la première au Grand Prix Tennis de Lyon 1994. Les joueurs, au début, étaient un petit peu réticents, ils se demandaient ce qu’il se passait. La musique, ça leur plaisait, la présentation également, le format actuel n’a pas beaucoup changé. On faisait plein de choses avant la première balle, puis après la balle de match. Concernant les interviews on en avait prévenu quelques-uns, mais on n’avait pas prévenu tout le monde, ils étaient un peu surpris. Les premières questions étaient évidemment très simples et de mise en valeur. C’est aussi une mise en valeur pour le public. J’évitais les questions polémiques parce que si un joueur répond mal ou que quelque chose ne se passe pas bien, il peut se faire bouger. C’est arrivé une fois avec Marc Rosset qui n’avait pas compris la question et qui est parti sur quelque chose d’autre, qui est devenu un petit peu agressif et le public l’a mal pris. Il fallait tout expliquer, il y avait toute une pédagogie à refaire et ça leur a plu. Il n’y a que les conservateurs qu’y ont dit “Vous allez dégénérer le tennis, ça va être terrible, c’est pas bien, faites pas ça.” Et on a tenu bon. Gilles s’est fait même bouger par beaucoup d’anciens qui disaient que ça allait vraiment, faire du mal au tennis. En fin de compte, ça a fait beaucoup de bien.

Tu dis que c’est Lyon qui a été précurseur, comment s’est passé l’effet domino ?

Un effet domino extraordinaire. Sur le tournoi de Lyon 1994, il y a la fédération qui descend, c’est Gilles Jourdan et Patrice Clerc qui descendent de Paris et qui disent “c’est génial”, ils en avaient entendu parler et ils me demandent, est-ce que l’on peut prendre ton collègue ? Je lui ai dit, oui, il n’y a pas d’exclusivité. Je signais Bercy la semaine d’après. Sur le même tournoi de tennis de Lyon, il y a Jean-François Caujolle de Marseille qui est venu, qui a dit “Je veux le prendre aussi”, Patrice Dominguez a dit “Je le veux pour Toulouse”. Et pendant le tournoi de Monaco, l’un des organisateurs, vient me voir et me dit “Bonjour, je suis là pour le tournoi de Monaco, mais on a un problème, on ne peut pas mettre de musique.” Je lui réponds que ce n’est pas grave, et que l’on ne mettra pas de musique. Il suffit de ne pas mettre de musique. Car il m’expliquait que ça gênait pour les autres cours. Donc au début on a pas mis de musique et on a signé Monaco également pour 1995.

C’est quand même une histoire assez incroyable. On a humanisé les joueurs, pour nous apporter des informations, c’est aussi une partie importante.

Tout à fait, à l’époque et même maintenant, parmi les personnes qui viennent, il y a 20 % qui sont très connaisseurs, 60 % qui connaissent et 20 % qui ne connaissent pas du tout, qui découvrent. Quoi qu’il arrive, il y a des joueurs qu’ils connaissent très bien et il y a des joueurs qu’ils connaissent moins bien. Michael Moore qui vient ici pour la première fois, il a fallu faire son CV, parce que le grand public ne le connaissait pas. Ces informations là, elles sont intéressantes pour tout le monde, y compris pour les spécialistes.

Concernant cette humanisation des joueurs, as-tu fait de belles rencontres et peux-tu nous faire ton top trois ?

Le top trois est facile, ce sont les trois ovnis qui ont traversé les 20 dernières années. Federer c’était en 1998 au grand prix de Toulouse, il joue son deuxième match professionnel, je lui fait l’interview, il avait 18 ans et il était champion du monde junior. Je l’ai vu casser des raquettes, il était nerveux, ce n’était pas le même Federer que l’on connaît. Je l’ai vu grandir. Nadal 2003, il a une wildcard à Monaco, il gagne un premier match, je vais sur le terrain et il me dit “Habla no English”. Je lui dis que je vais l’aider avec mon espagnol, mais tu vas aussi me parler lentement. La relation s’est renforcée au fur et à mesure parce que je les voyais régulièrement et à chaque fois que je leur parlais, je pouvais parfois aller dans les vestiaires et discuter un peu avec eux. Novak Djokovic, c’était son deuxième tournoi, il gagne à Metz en 2006, lui il était assez extraverti donc il en faisait un peu plus. Mais avec plein d’autres joueurs, que ce soit, les anciens ou les actuels, et puis avec les Français, c’est un bonheur.

Aujourd’hui tu as un impact avec les réseaux sociaux, avec notamment une trend sur les palmarès que tu as donné aux joueurs. Est-ce que ce n’est pas le reflet de ce que tu as apporté il y a 20 ans ?

Les réseaux sociaux n’existaient pas, si ça avait été le cas, on aurait eu une réaction. Au fur et à mesure, il a fallu un peu l’intégrer. La voix on l’entendait, la présentation est là, mais on n’y faisait pas toujours spécialement attention. De temps en temps, il y en a qui prennent justement, ou même des journalistes qui prennent ce moment et qui le publient sur les réseaux sociaux. Ensuite il y a eu la période, lorsque Nadal gagne son 10e titre à Monaco. Dix c’est monumental, personne n’a jamais fait ça, donc je vais le faire. C’est à ce moment là, où j’ai scandé les années à Monaco. Je crois que c’était au milieu des années 2010. J’annonce, les années à ce moment-là. Ça a surpris et les gens se sont dit “ouais, c’est fort”. Je fais la même chose à Roland, car ça suivait, il gagnait dix à Monaco, il gagnait dix à Roland. Souvent, quand il gagnait Monaco, il gagnait Roland. Ensuite c’est devenu l’une de ses cartes de visite pour lui. C’est monumental 14 fois.

Pour l’adversaire également, quand tu l’annonces déjà il a le temps de s’échauffer.

Sebastian Korda me disait ça. Premier match sur le Central il y a trois ans. Il rencontre Nadal à Roland, il prend zéro, deux et trois, on se revoit le tournoi d’après et il me dit, “je comprenais pas le français Marc, seulement l’annonce, l’annonce des années, je riais intérieurement, c’était nerveux”. Ça te met une pression en plus.

Où est-ce que l’on va te retrouver cette année ?

On refait tous les 250 et au-dessus. On va enchaîner avec Marseille puisque c’est la semaine qui suit, ensuite Monaco et Roland. En ce qui concerne les Jeux, je ne sais pas encore où je serai, mais ce n’est pas impossible que j’y sois, on est en train de discuter pour voir quelle présentation on va faire. Ensuite le Rolex à Paris et Metz aussi qui est signé.

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