LA TOUTE PREMIÈRE LEAGUE !

De semaine en semaine, le constat est incontournable : la Premier League est bel et bien le premier spectacle de football au monde ! Bien sûr, les grands rendez-vous de Ligue des Champions sont extraordinaires. Bien entendu, la Coupe du Monde fait vibrer comme aucune autre épreuve, avec drapeaux au cœur en prime.

Pas question non plus de dénigrer la Liga et sa prime à la technique. Ou de décrier les défenses passoires d’un foot allemand spectaculaire à souhait. Pas plus que je ne voudrais m’associer aux critiques grossières du foot italien qui ne serait pas du niveau de la Ligue 1. Ce qui, à cinq clubs italiens présents en demi-finales européennes près, aurait éventuellement pu s’avérer vrai…

Et quid de notre Ligue 1 « chérie » ? Il y a ceux qui vivent dans le passé et la trouve terriblement ennuyeuse, voire rétrograde. Et il y a ceux qui, à l’inverse, ne savent plus trop quoi dire et faire pour la valoriser. Ces derniers ne manquent pas d’arguments. Une fois, ils attaquent… les résultats eux-mêmes, estimant que l’Italie ne devrait pas avoir plus de places européennes que nous. D’autres ont trouvé une autre thèse tout aussi révolutionnaire : sorti des 5 premières places, la Ligue 1 serait au moins l’égale de la Premier League et bien supérieure aux autres championnats. Pourquoi pas, après tout… En fait, le sujet même est propice aux élucubrations. Quoi de mieux qu’un sujet invérifiable pour démontrer l’indémontrable ? Par essence, les championnats ne peuvent se comparer dans leur entièreté. Il y a bien les coupes d’Europe et le coefficient UEFA pour vous montrer où sont les meilleurs clubs. À ce jeu, la Ligue 1 est bien larguée à la cinquième place. Et bien loin des quatre premiers. Mais pas assez loin des suivants, les Pays-Bas et le Portugal. Nul classement n’est parfait. Mais celui de l’UEFA a le mérite de refléter correctement le différentiel d’un pays à l’autre au niveau de son élite. Bien sûr, la très large première place de l’Angleterre au classement UEFA reflète une certaine domination. Celle qu’ont exercé Espagnols (tout du long des années 2000/2015) et Italiens (années 90) auparavant. Pour les Allemands, c’était encore avant, à la croisée des années 70/80. Mais ce simple critère mathématique est notoirement insuffisant pour évaluer la domination anglaise sur le reste du monde. Comme le critère des droits TV ne saurait être exhaustif. Celui-ci peut, en effet, avoir des effets biaisés, selon les aspects économiques ou culturels. Après tout, l’Angleterre a toujours dominé le marché mondial des droits. Sans doute parce que l’Empire britannique a représenté un quart du globe à un moment donné. Bien avant les droits TV, c’est vrai. Mais il reste très naturellement une langue et une culture qui pèsent plus en faveur de la Premier League que de la Bundesliga, pour prendre un exemple. Même lorsque la Premier League ne gagnait pas de Coupes d’Europe et avait pour stars Eric Cantona (magnifique joueur, mais loin d’être une star mondiale du ballon rond) et les vieillissants Gullit, Vialli ou Zola, la Premier League était déjà la plus regardée dans le monde entier. Et sans être la meilleure Ligue. Dans les années 90, les clubs français devançaient d’ailleurs les clubs anglais. Il fallut bien du temps avant que le grand Manchester United réussisse en Europe. Et Arsenal n’y parvint même jamais vraiment… Aujourd’hui même, on ne saurait totalement justifier l’écart économique abyssal entre la Premier League et les championnats concurrents. Et si l’on considère que la Coupe du Monde n’a lieu que tous les quatre ans, elle doit également être envieuse des ressources générées par la Premier League. Bref, si cette domination économique est si prégnante, c’est qu’elle dépasse largement un simple classement UEFA et autres données rationnelles. Le week-end dernier, le foot anglais a écrasé le reste du monde. En rassemblant toutes ses différences. Des matchs enlevés, du suspense, des remontées, des buts, des stades pleins, de la passion, de l’émotion générée aussi par des retransmissions aux petits oignons…

Autant de critères pas toujours faciles à évaluer rationnellement. Dans ce fameux week-end, il y eut, c’est vrai, un match géré « à l’européenne » par le futur champion Manchester City. Mais on a ainsi eu droit à d’incroyables et très british Liverpool-Tottenham, Crystal Palace-West Ham ou encore Brighton-Wolverhampton. Dès le lundi, le match de la mort Leicester-Everton nous offrait de multiples occasions de but et de vibrer. Le mardi était pour Arsenal et un fameux derby londonien contre Chelsea. Bien sûr, ponctuellement, les autres championnats peuvent rivaliser. Les buts «additionnels» de Roma-Milan pouvaient donner le change au final de LiverpoolTottenham. De même que le spectaculaire renversement de l’OM face à Auxerre. Et que dire de l’effondrement burlesque du PSG face à Lorient ? Assurément, une pièce de choix quand on vend un tel spectacle.

Mais c’est là qu’interviennent ces autres critères qui font le quotidien d’un championnat. On adhère, bien sûr, à la Premier League parce qu’elle offre des écrins de qualité (stades, moyens TV, pelouses, etc.). Mais elle n’est pas la seule. On adhère surtout parce qu’elle est différente. Elle a sa propre couleur, son odeur, son rythme. Du rythme, il y en a toujours et partout. Sur le terrain, d’abord. Où les arbitres contribuent, en favorisant le jeu. Où des joueurs qui, un an avant, trainaient le nez dans les gazons italiens ou français, se relèvent vite et jouent… Parce que ces joueurs, souvent français, espagnols, brésiliens, argentins ou italiens, n’ont pas le choix. Ils se doivent d’incarner leurs clubs et la mentalité omniprésente. Idem pour les entraîneurs ou les actionnaires, eux aussi étrangers pour la plupart. Pour un Todd Boelhy (Chelsea) qui croît réinventer le foot, la plupart viennent surfer sur la réussite déjà en place. Même les richissimes Saoudiens ont installé une direction très anglaise à Newcastle, de peur de partir sur un mauvais pied.

En somme, un championnat, c’est un esprit. Bien avant d’être un rendez-vous de clubs ou de joueurs stars. Salah ou De Bruyne auraient tout à fait pu jouer en Ligue 1 lorsqu’ils étaient en échec à Chelsea. Mais ils n’y seraient pas devenus les joueurs qu’ils sont aujourd’hui. Comme la France a remporté deux Coupes du Monde parce que ses meilleurs joueurs ont appris dans des grands clubs, pas seulement en Premier League. Celle-ci a aussi ses grands clubs et ses grands joueurs. Comme un fait exprès, ils ne sont pas comme les autres. Aucun club anglais ne ressemble à des monstres comme le Real, le Bayern ou le Barça… Mais tous les clubs anglais vous font ressentir que vous êtes dans un grand club. Même s’il s’appelle Everton, West Ham ou Nottingham Forrest et que vous ne jouez pas précisément les premiers rôles… Idem pour les joueurs. Vous souvenez-vous du dernier ballon d’or évoluant en Angleterre. Comme ça, spontanément… Il y a bien Cristiano Ronaldo en 2008. Sinon, il faut remonter à Michael Owen (2001) ou Kevin Keegan (1978)… N’est-il pas frappant que le foot anglais, le plus riche au monde, n’ait même pas besoin des plus grandes stars pour être le plus grand ? Messi ne jouera jamais en Angleterre, et Ronaldo y aura été le plus doué des jeunots. Mais son retour en guest star était une bien mauvaise idée. Ne correspondant à rien de bien anglais, ce retour fut un échec… Oui, vraiment, « God save the Premier League ». Car ce championnat est le plus grand rempart contre la SuperLeague. Il est si puissant, si regardé chaque semaine, qu’il est le meilleur rempart contre le désir des grands clubs de jouer ensemble à tous bouts de la planète, tels les Harlem Globe Trotters. Mais, pendant ce temps-là, il y a Leicester-Everton où des fous furieux jouent leur place en Premier League en lançant le dé sur chaque action comme si leur vie en dépendait. Et qui vous raconte toute une histoire où Everton est l’un des plus grands clubs de l’histoire du football (123 ans en D1 !). Et où Leicester a écrit l’une des pages les plus magiques en remportant le titre en 2016 devant tous les plus riches clubs du monde…

L’Angleterre, c’est un esprit foot… Mais c’est aussi une histoire qui se raconte et s’écrit en direct à chaque rencontre. En cette fin de saison, les matchs se multiplient chaque jour. La lassitude pourrait gagner. Bien au contraire, la Premier League étale matchs en retard et dernières journées pour faire monter ce « story telling » jusqu’au Happy-end final ! Un vrai travail de pro, encore et toujours…

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