PARIS EN PENTE DOUCE

On s’habitue. À ce que le PSG soit champion de France, bien sûr. Mais aussi à ce que ses fins de saison soient bien peu reluisantes au point de banaliser ses titres nationaux.

Je n’avais nullement l’intention de relativiser les titres parisiens lorsque je vous annonçais dès janvier (sans prendre de gros risques) que le PSG serait, malgré tout, champion. Malgré la crise de résultats qui était déjà là puisque Lens et Rennes avaient déjà entamé les cicatrices parisiennes avec deux premières défaites. Mais une simple analyse permettait déjà de mesurer l’impossibilité pour les rivaux du PSG d’atteindre des niveaux de régularité et de points suffisants pour titiller le leader. Seule une immense déroute parisienne pouvait remettre le titre de champion en jeu. Or, n’en déplaise aux analystes du « si » et du «on ne sait jamais », même une défaite face à Lens n’aurait pas remis en cause le titre parisien. Lors de ses sept derniers matches, il eut fallu aux Lensois ou Marseillais tout remporter (or, ils se rencontrent bientôt à Bollaert !) pour espérer voir le PSG perdre 4 ou 5 points contre les derniers de la classe. Pure hypothèse virtuelle… Et, déjà, imaginer une défaite parisienne face à Lens était problématique. Certes, en pure qualité de jeu, le RC Lens est parfaitement capable d’abattre l’ogre parisien, comme il l’avait fait à la régulière le 1er janvier dernier. Mais un tel rendez-vous au sommet requiert d’autres atours comme l’a montré Salis Abdul Samed. La théorie de l’acte isolé ne me satisfait nullement tant la faute est grossière et inutile. Le manque d’expérience des matchs de haut niveau l’explique bien d’avantage. De même, il est probable que Franck Haise ait manqué de cette même habitude de l’altitude en maintenant une équipe offensive (et déséquilibrée) malgré la sortie de son milieu défensif. Son hésitation a fait la différence. En dix minutes, le match était perdu.

Il est juste de dire qu’on apprend plus dans la défaite que dans la victoire. Et c’est sur le terrain que le RC Lens a le plus appris, et non dans la polémique sur la célébration ridicule de Kimpembe. Les Lensois n’ayant absolument pas chambré les Parisiens au match aller, ils n’ont pas à craindre les réactions vengeresses de bas étage d’un joueur et de supporters, sans doute en manque de ressentiment…

Par contre, les Lensois ont pris une bonne leçon sur le terrain. Une leçon d’expérience, donc. Une leçon de patience, aussi. Ils auraient sûrement eu plus de mal que les joueurs parisiens à accepter un début de match aussi médiocre. Or, le PSG s’est habitué à tatonner depuis plusieurs mois. Et, surtout, il vit avec la (quasi) certitude qu’à un moment ou à un autre, Kylian Mbappé ou Leo Messi apporteront la lumière. On n’affronte pas un deuxième de Ligue 1 à la masse salariale dix fois inférieure à la sienne sans avoir tout de même quelques avantages… De fait, Kylian Mbappé a su exceller dans tout ce qu’il déteste, parait-il, et qu’il lui faudra pourtant apprendre à aimer : le jeu de pivot. En marquant un but à la Gerd Müller ou Lewandowski, il a montré qu’il pouvait évidemment être adroit dans ce registre. Quant à sa remise en talonnade vers Messi sur le troisième but, elle relevait du manuel du super numéro 9. Bref, derrière tous les artifices de la communication, il est évident que Kylian Mbappé est un grand attaquant complet et que, de ce fait, il est bel et bien un avant-centre de haut niveau. Il peut évidemment préférer faire des sprints et des ronds de jambes dans d’autres zones plus faciles, mais la réalité des sommets le ramènera forcément là où les meilleurs s’expriment. Près du but. Lionel Messi pourrait lui en parler, lui qui a joué toute une partie de sa carrière en avant-centre baladeur. Et sans avoir les aptitudes au poste du champion du Monde français…

À côté de ces avantages majeurs (expérience, talents individuels…), la semaine délicate de Christophe Galtier et du PSG pesait bien peu. On sait que les joueurs ne sont guère enclins à s’intéresser à ce type de problèmes. Et, à la différence de leur entraîneur, leur préparation n’a guère été particulièrement troublée. Surtout, quant on est au PSG, on s’habitue. La crise est continue. Elle peut venir du point de penalty, comme d’une querelle à Nice un an avant en passant par une partie de poker virtuelle. Et on s’y habitue sans embarras… La preuve, on a encore du temps à penser à chambrer les Lensois après match. Mais il est vrai, à cinq joueurs seulement, comme un symbole de symbiose oubliée…

On s’habitue jusqu’à s’ennuyer. On peut déjà parier que la fête du titre en fin de saison sera à la fois grandiose niveau mise en scène, mais dénuée de toute émotion. Pourtant, les tenants du chiffre rappelleront bien que le record détenu depuis Platini et 1981 par Saint-Etienne (10 titres) va tomber pour l’occasion. Mais tout le monde sera occupé à savoir qui de l’OM, Lens ou Monaco accrochera la deuxième place. Car, on le sait bien, les Français, jamais avares pour contester les premiers richement dotés, préfèrent les seconds et n’hésitent pas à les classer « champion virtuel ».

Bon, il faut reconnaître que dans un pays où la masse salariale du deuxième club est cinq fois inférieure à celle du PSG, on peut comprendre une certaine relativisation pour les titres parisiens. Et celui de 2023 ne risque pas de marquer les esprits. Néanmoins, la banalisation est la pire erreur que le PSG ait généré depuis sa période qatarie. Par sa faute, en premier lieu. En plaçant la Ligue des Champions au-dessus de tout, les dirigeants parisiens ont commis le péché originel. Ils ont banalisé de fait les titres nationaux, le pain quotidien, l’ADN d’un club. Surtout, ils ont condamné l’analyse foot à réduire toute performance à Clermont en août à une comparaison osée avec ce que serait un huitième de finale de Ligue des Champions contre le Real ou le Bayern.

Quelle étrange névrose de ne pouvoir apprécier un succès qu’à travers d’éventuels enseignements pour un éventuel match qui aurait lieu six mois plus tard ! Heureusement, il y a tout de même quelques rares matchs de Ligue 1 qui rappellent le haut niveau à ces supporters les plus névrosés. Lens en a fait partie, comme le déplacement à Marseille en février. Deux occasions où le PSG a su répondre présent pour assurer un onzième titre peu contestable, mais peu apprécié… En ces deux occasions, le PSG a su faire preuve de sérieux et jouer de son expérience à défaut de montrer une plénitude collective. On peut même dire que si le PSG a gagné le match en dix minutes contre son ex-dauphin lensois, il a aussi dangereusement pataugé en seconde période, au point de concéder bien des occasions à un adversaire lensois pourtant réduit à dix. En gagnant la seconde période, le RC Lens a d’ailleurs sans doute préparé au mieux les épreuves futures. C’est que Bollaert va recevoir Monaco puis l’OM dans les prochaines semaines. Le PSG, lui, a probablement fini d’ennuyer son monde alors qu’il l’avait reconquis en trois actions avant la mi-temps. Il a, comme toujours, offert en un seul match sa ration de génie et d’incongruités. Un paradoxe perpétuel qui générera une fin de saison des plus glauques…

Car ce match pour le titre le condamne à l’oubli pour le restant de la saison. Nuance : c’était le match du titre pour le PSG, en aucun cas pour Lens pour qui la folle saison continue… La passion et les envolées lensoises ne sont pas terminées. À qui perd gagne, en quelque sorte…

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