TOULOUSE BORDEAUX

Par Jules Pineau

Une affiche de rêve entre Toulousains et Bordelais pour une finale incroyable au Vélodrome de Marseille. Vendredi soir, on connaitra l’identité du vainqueur de cette saison 2023/2024 de tous les records. Si les deux équipes ont beaucoup de points communs, nous allons essayer de les départager sur les principaux domaines tactiques du rugby.

L’INFIRMERIE

À Toulouse, peu de place au doute. Anthony Jelonch, victime d’une seconde rupture des ligaments croisés en un an, espère revenir à la compétition en septembre. Aucune chance qu’il soit sur le terrain du Vélodrome Marseille autrement qu’en costume. Même chose pour Cyril Baille, malheureusement sorti sur civière lors de la demi-finale contre La Rochelle. Le pilier souffre d’une fracture du péroné et également d’une rupture des ligaments de la cheville. Une blessure qui pourrait contrarier les plans d’Ugo Mola, à un poste peu fourni dans l’effectif haut-garonnais depuis la blessure de Laulala. Un autre gros porteur pourrait manquer à l’appel, il s’agit d’Emmanuel Meafou. Touché aux ischios lors de la finale de Champions Cup contre le Leinster, le colosse australien n’a toujours pas repris l’entrainement. Il risque d’être trop juste pour jouer un match de ce calibre. Côté bonne nouvelle, Julien Marchand et Pita Akhi ont brillamment repris la compétition la semaine dernière. Eux qui revenaient de blessure ont signé des prestations abouties et, sauf rechute, pourront enchainer. Si les absences ne font jamais plaisir, le Stade Toulousain a un effectif assez profond pour ne pas trop les subir. Cependant, côté Bordelais, la moindre blessure peut largement diminuer les chances de victoire. Le premier blessé important est Matthieu Jalibert, touché à la cuisse face à Oyonnax lors de la dernière journée de championnat. L’ouvreur international a annoncé sa fin de saison sur ses réseaux sociaux. Cependant, selon nos informations, il n’aurait pas totalement renoncé à disputer la finale, même si cela relèverait d’un petit miracle. Une chose est sûre, s’il y a une infime possibilité qu’il joue, le compétiteur qu’il est fera tout pour être de la partie, cela pourrait changer beaucoup de choses pour son équipe. Si Ben Tameifuna était absent contre le Stade Français, il espère lui aussi faire son retour pour la finale. Le pilier tongien, leader du pack, serait un apport considérable pour Yannick Bru. Sipili Falatea et Marko Gazzotti sont à l’infirmerie pour la fin de saison. Statu quo pour ce qui concerne les blessés.

LE JEU

Si les joueurs présents ou non peuvent changer beaucoup de choses sur la préparation d’un match, le plan de jeu et l’identité des équipes resteront les mêmes. D’ailleurs ce ne sera pas une opposition de style au Vélodrome, contrairement aux demi-finales. En effet, Girondins et Haut-Garonnais ont affiché de belles ambitions de jeu tout au long de la saison, pratiquant un rugby souvent spectaculaire. La première contre la deuxième attaque du championnat en termes d’essais marqués, l’affiche a de quoi faire saliver. Si l’on a souvent qualifié la ligne de trois-quarts de l’UBB de « galactique », son homologue rouge et noir n’est pas en reste. Avec le plus grand nombre de franchissements, de mètres parcourus et de plaquages cassés, les partenaires d’Antoine Dupont ont donné le tournis à toutes les défenses du championnat. Devinez quelle équipe les talonne encore une fois dans toutes ces statistiques ? Bordeaux évidemment. Cependant, le style de jeu des deux équipes n’est pas identique pour autant. Les partenaires de Yannick Bru se nourrissent des turnovers et n’hésitent pas à relancer de leur en-but, donnant lieu à des essais du bout du monde, difficiles à encaisser pour l’adversaire. Le Stade Rochelais et Toulon, entre autres, en ont fait les frais au cours de la saison. Le Stade Toulousain va lui aussi se nourrir des turnovers, mais a aussi et surtout une grande capacité à jouer dans le chaos. La capacité des hommes d’Ugo Mola à proposer des solutions et réaliser des passes après contact en contre-attaque est impressionnante et a amené bon nombre d’essais cette saison. Léger avantage au Stade Toulousain pour cet aspect du jeu.

LA DÉFENSE

Si l’on a beaucoup évoqué la force de frappe des deux équipes, elles ne sont pas ridicules en défense pour autant. Cinquième et sixième meilleures défenses du championnat. Ce ne sont pas des remparts d’élite me direz-vous ? Je vous répondrai que leur style de jeu, porté vers l’attaque, amène forcément une part d’erreur et donc un plus grand nombre d’essais encaissés que des formations qui fermeraient plus le jeu. Quoi qu’il en soit, les deux équipes sont capables d’améliorer leur rendement et de hausser leur agressivité défensive dans les moments importants, comme elles l’ont montré en phases finales. L’Union Bordeaux-Bègles a peut-être été la plus impressionnante de ce côté-là, en écœurant le Racing 92 puis le Stade Français, incapables de gagner la ligne d’avantage sur des séquences longues. Intimement liée à la défense, la discipline sera un facteur déterminant de cette finale, tant elle peut impacter le jeu. La demifinale entre Rochelais et Toulousains a justement été marquée par plusieurs exclusions, temporaires comme définitives. Si le nombre de pénalités concédées est sensiblement le même sur la saison, les Rouge et Noir ont écopés de quatre cartons jaunes de plus que les Bordelais sur 26 journées. Léger avantage à Bordeaux sur cet aspect.

LA CONQUÊTE

La comparaison entre les deux équipes ne pourra souffrir d’aucun débat sur ce sujet. Le pack haut-garonnais est certainement le plus performant d’Europe cette saison, même en l’absence d’éléments clés comme Anthony Jelonch ou Emmanuel Meafou. La performance XXL livrée en finale contre le Leinster en est l’illustration parfaite. Des internationaux à chaque poste de la mêlée, une conquête impressionnante, bref, Ugo Mola a des armes que son homologue n’a pas. Attention, le pack bordelais n’est pas ridicule, mais la première ligne et la conquête de manière générale sont souvent pointées du doigt, à raison. En grande difficulté contre le Stade Français, il s’en est fallu de peu pour que cela ne coûte le match aux Girondins. 5 touches perdues, 5 pénalités concédées sur mêlée et une défense de ballons portés approximative. Le bilan est famélique. L’hypothétique présence de Ben Tameifuna et l’absence de Cyril Baille pourront quelque peu équilibrer les forces en présence mais cela n’inversera pas pour autant la tendance. Le huit de devant toulousain est largement supérieur et se devra de dominer son homologue pour donner un avantage au Stade. Le poncif est connu, le rugby commence devant. Il n’a jamais été aussi vrai que pour une finale de Top 14, où l’enjeu tue souvent le jeu. Pour les Bordelais, le principal sera d’avoir des lancements de jeu propres pour donner le maximum de munitions aux flèches qui composent cette ligne d’attaque.

L’EXPÉRIENCE

À nouveau, il ne peut pas y avoir de débat. L’Union Bordeaux-Bègles va disputer la première finale de son histoire, après avoir longuement buté sur la marche des demi-finales. La performance en elle-même vient valider le projet et peut représenter une réelle satisfaction pour ce groupe, promis aux sommets. Un sentiment diamétralement opposé à la culture toulousaine. Les Rouge et Noir ont l’habitude de ces grands rendez-vous et disputent des finales chaque année. 22 fois vainqueurs du championnat de France. Lorsque les joueurs enfilent cet illustre maillot, ils doivent être au niveau des champions qui l’ont porté. La culture de la gagne emmenée par ce club, ce groupe et toute une ville est sans égal en France. Le Stade Toulousain est le symbole même de la réussite sportive. Ce sera David contre Goliath. Toulouse est donc le grand favori pour cette finale, mais attention à ne pas sous-estimer l’UBB qui a les armes pour titiller le champion en titre. Si les trois-quarts sont inspirés, il peut tout se passer.

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