WHEN THE SPURS GO MARCHING IN !

La Premier League réserve toujours son lot de surprises. Une remarque qui peut paraître paradoxale à l’heure où Liverpool, Arsenal, Manchester City et Tottenham trônent en haut du classement. Mais si Aston Villa est une attraction à la cinquième place, la place de leader de Tottenham ne doit surtout pas être banalisée…

Ni une amourette de début de saison, ni une anecdote en attendant que les gros reprennent le dessus. Le Tottenham Hotspur de ce début de saison est bien une affaire à prendre au sérieux. Ses démonstrations de semaine en semaine respirent le grand air, et attirent aussi bien l’œil que les points. C’est du haut niveau, avec la constance qui sied… Dans le foot, il y a des phrases qui durent. La fameuse « année de transition » en fait partie. Et pourtant, elle n’a jamais été aussi désuète. D’abord parce que la patience n’est pas de mise dans le monde du ballon rond. Ceux qui en appelle à une reconstruction « quitte à passer trois années difficiles », à une descente qui «permettrait de repartir sur des bases saines » (demandez à Bordeaux… !) et autres poncifs du genre, sont les tout premiers à réclamer la tête de l’entraîneur au bout de cinq semaines la saison suivante… En foot, on n’a pas le temps. Au vu des difficultés financières du Barça, on était soidisant parti pour cinq années en enfer. Un an après, le Barça était champion. Certes encore fragile, mais vite régénéré sportivement. Et Tottenham vient nous en faire une autre démonstration cette saison. Après la huitième place misérable de l’an dernier, et le départ d’Harry Kane, l’impasse semblait devoir être longue pour les Spurs. Déjà, il ne faut pas se tromper, Mauricio Pochettino avait réalisé un exploit en stabilisant Tottenham à un niveau Champions League durant de nombreuses années (avec une finale de surcroît !). Car le troisième club londonien (Chelsea et Arsenal ont un autre vécu et un autre budget !) n’est pas voué à jouer les tout premiers rôles. Son dernier titre reste une Coupe de la Ligue il y a quinze ans. Quant aux titres de champions, ils remontent au milieu du siècle dernier (1951 et 1961). Avec cette année sans Europe et le départ de son serial buteur (meilleur buteur du club depuis 2014 !), Tottenham semblait ne pas échapper à la célèbre année de transition. D’autant que l’arrivée de l’entraîneur australien du Celtic Glasgow, Ange Postecoglou, n’avait pas le côté glamour qui épate. Même les 250 Millions d’Euros investis en transferts impressionnaient moins que les 100 reçus pour le départ d’Harry Kane.

Il faut dire que seule l’arrivée de James Maddison avait du clinquant. Mais bien atténué par la descente de son club, Leicester City, à l’issue de la dernière saison. Les arrivées définitives de Pedro Porro et Kulusevski pesaient côté Livres Sterling, mais ne pouvaient impressionner puisque ces joueurs avaient échoué comme les autres lors de la dernière saison. On n’attendait pas forcément plus du défenseur néerlandais Micky Van de Ven (Wolfsburg) ou de Guglielmo Vicario, le gardien venu d’Empoli, en remplacement d’Hugo Lloris. Et l’arrivée du prometteur Brennan Johnson (Nottingham Forest) fut la dernière surprise à la toute fin du mercato. Bref, on s’interrogeait plus sur la manière de remplacer l’incontournable Harry Kane que sur les possibilités de construire une équipe bien différente de ces dernières saisons en trompel’œil. Il a vraiment fallu attendre les premiers matches pour comprendre que la révolution était bien plus profonde que prévue. Déjà, outre le départ de quelques cadres (dont les porteurs du brassard, Kane et Lloris, tout de même !), la moyenne d’âge a baissé de quatre ans. Car Eric Dier a également rejoint le banc de touche, de même que Ben Davies ou Höjbjerg, le Danois. Pour faire de la place à plus jeune. D’une des équipes les plus âgées de Premier League, Tottenham est devenu une des plus jeunes, juste en-dessous de 25 ans de moyenne d’âge. L’autre révolution en découle en partie. Avec Pape Matar Sarr aux côtés de Bissouma, le milieu est plus dynamique qu’il n’était avec Höjbjerg et Bentancur (encore blessé). Derrière, l’Argentin champion du monde Christian Romero a été installé en patron du haut de ses 25 ans. Avec le jeune Van de Ven dans l’axe, et deux suractifs sur les côtés, Pedro Porro et Destiny Udogie. Ce dernier est un achat de l’année précédente, mais reprêté à son club d’origine, l’Udinese. On peut dire que l’Italo-nigérian fait ses 20 ans. Enthousiasme sans retenue, avec ses qualités (surtout) et encore quelques défauts… Mais la principale réussite de l’entraîneur Ange Postecoglou est sans doute le secteur offensif. Le défi était de taille tant Harry Kane était à la fois le buteur, le passeur et l’organisateur de l’équipe. Je ne plongerai pas dans le piège consistant à sur-analyser l’impact psychologique du départ de Kane sur les autres joueurs. Richarlison ou Kulusevski sont-ils libérés de l’ombre de Kane ? Parfois, il faut élargir un peu le débat. De fait, le manager des Spurs, né à Athènes avant une carrière australienne, a réussi le remplacement de Kane. Naturellement, tout le monde pensait à Richarlison pour laisser le côté gauche à HeugMin Son. L’inversion est une vraie idée d’entraîneur. Son peut naturellement mieux assumer l’habit d’Harry Kane. Et Richarlison trouve sur le côté des terrains à dévaler en puissance. Quant à l’ombre de Kane, Kulusevski et Richarlison en sont surtout libérés par un entraîneur qui pousse son équipe vers l’avant. Finis les cinq défenseurs et la tactique restrictive. Bienvenue au pressing haut et à une énergie collective positive. Dans ce contexte, les deux joueurs extérieurs sont entraînés par cette dynamique et expriment bien mieux leurs qualités.

Ce n’est guère un hasard si les deux buts contre Fulham sont venus de pressing sur le malheureux nigérian Carlin Bassey, titularisé dans l’axe droit alors qu’il est gaucher. Son calvaire a abouti à deux relances coupées et aux deux buts des Spurs ! C’est bien simple, Tottenham était tous les ans dans les équipes courant le moins. A la vue des prestations actuelles des Spurs, ils dégagent exactement l’impression inverse. Reste à le vérifier dans les deux nouveaux derbies londoniens à Crystal Palace (ce vendredi soir) et contre Chelsea ensuite. Et bien sûr, tout au long de la très longue saison anglaise. S’ils maintiennent cette volonté positive vers l’avant, les Spurs se mêleront au haut du classement jusqu’au bout. Sans coupe d’Europe (et Coupe de la Ligue, déjà !), ils ont largement l’effectif pour le faire. Car si Postecoglou a fait des choix sans trop de retour (il change si peu son XI de départ), il aura forcément besoin de son banc durant la saison. Or, avec Skipp, Dier, Emerson Royal, Lo Celso, Johnson, Gil ou Höjbjerg, il a déjà largement de quoi faire. En attendant les retours de blessure de Bentancur, Solomon, Sessegnon ou Perisic ! Bref, de quoi faire chanter plus que jamais « Oh, when the Spurs go marching in » à l’exigeant public du Tottenham Hotspur Stadium, plein en toute occasion. Le Président Daniel Levy peut ainsi justifier son goût pour la grandeur lorsqu’il avait poussé la taille de son stade jusqu’à 61.000 places…juste pour être un tout petit peu plus grand que l’Emirates. Et être ainsi le plus grand stade de club de la capitale. En attendant d’être le premier club de Londres?

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